Du cybersquatting au pope squatting
Le cybersquatting (cybersquattage au Québec), cest le "détournement" dun nom de domaine sur le web. Cest occuper une adresse à des fins de spéculation, pour récupérer des visiteurs ou pour mener une action. Des hommes politiques au pape Benoît XVI en passant par des sociétés commerciales, les cyber-victimes sont nombreuses.
On parle aussi de "domain name grabbing". Il sagit en général de lenregistrement dun nom de domaine dans le but dans bloquer lattribution à son titulaire "naturel". Résultat : celui-ci devrait verser son écot pour récupérer le nom détourné. Il peut sagir aussi de détourner les internautes et dainsi augmenter son propre trafic. En France, une société a déposé le nom gmail.fr faisant clairement référence au service webmail de Google (accessible via gmail.google.com).
Cette technique est aussi utilisée par les porn-squatters. Ceux-ci occupent des adresses gratuites ou font lacquisition de noms de domaine payants abandonnés. Ils drainent ainsi ceux qui croyaient se rendre dans des sites "innocents" et déjà largement référencés par les moteurs de recherche.
Abusif
En Belgique, la loi du 26 juin 2003 relative à lenregistrement abusif des noms de domaine indique quest considéré comme un enregistrement abusif dun nom de domaine "le fait de faire enregistrer, par une instance agréée officiellement à cet effet, par le truchement ou non dun intermédiaire, sans avoir ni droit ni intérêt légitime à légard de celui-ci et dans le but de nuire à un tiers ou den tirer indûment profit, un nom de domaine qui soit est identique, soit ressemble au point de créer un risque de confusion, notamment, à une marque, à une indication géographique ou à une appellation dorigine, à un nom commercial, à une uvre originale, à une dénomination sociale ou dénomination dune association, à un nom patronymique ou un nom dentité géographique appartenant à autrui."
Il semble que lenregistrement dun nom de domaine soit abusif si le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant à des droits. Le nom dune personne célèbre peut être utilisé comme marque dès quil est utilisé pour identifier les services de cette célébrité.
Dans les années 90, un des cas les plus célèbres de cybersquatting a été Avon.com. il y eut aussi www.appleimac.com, propriété dun adolescent de 17 ans mais laffaire sest arrangée à lamiable. Il vaut mieux sans doute un bon arrangement quun procès car les squatters sont de moins en moins aimés. En Belgique, on se souvient quun Liégeois avait réservé les noms de domaine de 200 personnalités politiques belges et leur proposait ensuite des "services". Loffre na été que très peu appréciée. En France, la société EuroDNS avait déposé 4.465 noms de domaines litigieux après lassouplissement des procédures dattribution de noms de domaine en fr; parmi les victimes : Free, SFR-Cegetel, Lastminute, Accor, Michelin, NRJ, France2, France3.
En croissance
Malgré des règlementations plus strictes, selon lorganisation mondiale de la propriété intellecturelle, le cybersquatting irait croissant avec une augmentation de 6,6% avec 1.179 litiges traités.
2% des sites web à fort chalandage seraient abandonnés soit par négligence ou par disparition du prestataire Internet ou fermeture de lentreprise. Des officines vous proposent dailleurs létude des noms de domaines pouvant être récupérés suivant votre activité, surveillent lenregistrement de noms de domaine susceptibles de créer un risque de confusion avec vos marques, noms et raisons de commerce,listent les domaines à fort potentiel à surveiller, reprennent automatiquement des noms de domaine à labandon ou récupèrent des domaines comprenant une expression déterminée (comme tourisme, immobilier).
Le cybersquatting connait des variantes : le typosquatting consiste à déposer un nom avec des fautes dorthographe comme micosoft.fr au lieu de microsoft.fr, 2xmoincher.com au lieu de 2xmoinscher.com; quant au pointsquatting, il sagit du dépôt du nom de domaine précédé de www comme, par exemple, wwwcnn.com ou wwwadidas.com (on mise sur le fait que des internautes oublient de taper le point).
Pope squatting
On a parlé de "pope squatting" pour décrire ce phénomène dachat dadresses URL autour du pape. On constage ainsi que plusieurs noms de domaines ont été réservés :
- benoitxvi : be, biz, ch, co.uk, com, de, fr, info, name, net, org, tv
- benoit-xvi : be, com, info, net, org
- benedettoxvi : biz, ca, ch, com, de, info, net, org, us
- benedetto-xvi : biz, com, de, info, it, net, org
- benedictxvi : be, biz, ca, com, info, name, net, org, pro, tv
- benedict-xvi : biz, ca, ch, co.uk, com, de, info, name, net, org, us, co.uk
Le plus célèbre des "pope squatters" est dans doute Rogers Cadenhead qui a acquis www.benedictxvi.com. Il avait réservé benedictxvi.com dès le 1er avril tout comme des noms potentiels de papes tels que clementxv.com, innocentiv.com, piusii.com (mais pas johnpauliii.com acheté en 1999 et en vente à 950 dollars). www.benedictxvi.com renvoie vers la page www.modestneeds.org/benedictxvi/ dune association philanthropique où on peut lire : "Rogers a enregistré ce domaine pour empêcher un auteur pornographique ou un casino en ligne dacquérir et utiliser ce nom de domaine des façons qui embarrasseraient tant le nouveau Pape que lÉglise catholique. Ce que Rogers a fait est vraiment tout à fait unique. Il pourrait facilement en profiter - à lair de centaines de milliers de dollars - en vendant simplement ce domaine au soumissionnaire le plus haut. Au lieu de cela, Rogers a promis de ne rien faire pour profiter de sa propriété de ce domaine. Il planifie plutôt de transférer le contrôle de ce domaine au Vatican aussitôt quil est capable dentrer en contact avec eux avec succès.Et tandis que Rogers attend pour recevoir des nouvelles de Vatican, comme sa façon den appeler à dautres, il a utilisé le domaine BenedictXVI.com pour parler au monde du travail que nous faisons aux Modest Needs (note : littéralement "Besoins Modestes")".
Dans la majorité des cas, lachat de tels noms de domaine relève pourtant de la simple spéculation. Ainsi la même personne propose les benoitxvi et benedettoxvi en info, net, org, Quant aux pages benedict-xvi.org et net, on peut y lire : "This domain name is for sale (very cheap !!!)". Les autres adresses citées plus haut sont encore introuvables ou lon débouche sur une page dattente fournie par le vendeur du nom de domaine.
PopeBenedictXVI.com était en vente sur ebay ce 22 avril 2005 pour 15.666,66 dollars (on remarquera lintégration dans cette somme du chiffre de la Bête "666" !).
Certaines adresses "papales" débouchent cependant sur un contenu... mais commercial. Il sagit tout simplement de mettre en valeur des ouvrages par ou sur Jean-Paul II et Joseph Ratzinger/Benoit XVI, ce qui permet de toucher une commission sur les ventes via Amazon. Pratiquent ainsi www.benedettoxvi.com, biz ou be, www.benedictxvi.biz (où lon propose aussi à la vente "Code Da Vinci" et "Angels & Demons" de Dan Brown !). Bien sûr, on accède aussi à des sites de supporters (www.benedetto-xvi.com), des sites qui se définissent comme un "fan site" (www.benedictxvi.org).
Un détournement d'adresse est plus "militant". En envoyant les visiteurs de www.benoit-xvi.be vers www.hiram.be, "le weblog de la Franc-Maçonnerie", il sagit de rappeler que le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation de la foi a confirmé le rejet par léglise catholique de la Franc-Maçonnerie et des Francs-Maçons. Cette adresse www.benoit-xvi.be peut d'ailleurs être cédée... au bénéfice d'une association daide aux personnes victimes du sida.
A lire : fiche de lAWT "Cybersquatting (Domain Name Grabbing)"