Le jury d'assises

L'actualité judiciaire bat son plein avec l'ouverture du procès qui sera sans doute le plus médiatisé en Belgique. Il n'est pas inutile de rappeler les principes de fonctionnement de cette juridiction et de susciter une réflexion sur l'existence et les raisons d'être et d'avenir du jury populaire…. plus particulièrement dans cette ambiance de "surmédiatisation".


Chaque citoyen peut être désigné en qualité de juré, chaque citoyen va suivre ce procès....avec d'énormes préjugés, avec une charge émotionnelle forte, sans recul ni nuance face aux principes fondamentaux en jeu …Ou, au contraire .… en admettant qu'il faut s'y préparer.


La compétence de la Cour d'assises

Le code pénal prévoit trois types d'infractions : la contravention, le délit, le crime.

Un tribunal spécifique juge chacune de ces infractions : le Tribunal de police, le Tribunal correctionnel, la Cour d'assises

Des peines spécifiques s'y appliquent :

  • Tribunal de Police : peine de travail (de 20 à 45 heures), amende de 1 à 25 BEF ( à laquelle on applique des coefficients pour l'indexation et la conversion en euros ), emprisonnement de 1 à 7 jours . Attention pour les infractions de roulage qui ne sont punies que d'une peine d'amende, celle-ci va de 25 à 250 francs (avec les mêmes facteurs de conversion)
  • Tribunal correctionnel : peine de travail (45 à 300 heures), amende d'au moins 26 francs, emprisonnement de 8 jours à 5 ans, 10 ans en cas de crime correctionnalisé, l'interdiction de certains droits civils et politiques
  • Cour d'Assises : la réclusion ou la détention à perpétuité ou à temps (soit de 5 à 30 ans), l'amende d'au moins 26 francs, interdiction de certains droits civils et politiques

La confiscation spéciale peut être prononcée pour les 3 types de peine.

Certaines circonstances atténuantes peuvent " contraventionnaliser" un délit ou "correctionnaliser" un crime ce qui justifie par exemple que le faux en écriture, qui est un crime, soit généralement, par admission de circonstances atténuantes, jugé devant un tribunal correctionnel.

Les deux premières juridictions sont permanentes, elles sont composées de magistrats professionnels.

Dans chaque province, une Cour d'assises siège de manière intermittente en fonction des affaires criminelles en état d'être jugées, sa compétence est donc limitée aux crimes au sens de la loi pénale outre les délits politiques ou de presse.

Elle est composée de 3 magistrats professionnels et d'un jury de 12 citoyens.

La décision ne peut faire l'objet d'un appel mais seulement d'un pourvoi en cassation (sur une erreur de droit) le cas échéant : le législateur estime que la souveraineté populaire que représente le jury ne peut se tromper.


La composition de la Cour

Le jury est formé de 12 citoyens belges âgés de 30 à 60 ans tirés au sort par le président de la Cour parmi une liste de candidats plus importante choisis par tirages sur les listes électorales. Un ou plusieurs jurés suppléants peuvent être désignés à la demande des parties ou d'office par la Cour pour remplacer en cours de procès un juré qui ne pourrait plus assumer ses fonctions; les suppléants suivront donc les débats mais ne participeront pas à la prise de décision s'ils ne sont pas désignés comme effectif.

Trois juges sont désignés par leur chef de corps : un président - membre de la Cour d'appel - et deux assesseurs - membres du Tribunal de première instance. Le système de suppléance peut également leur être appliqué

Le procureur siège aux côtés de la Cour mais n'en fait pas partie. Il a poursuivi l'action publique et soutient ses accusations pénales devant la cour sans aucunement prendre part à la décision.


Le fonctionnement de la Cour d'Assises

Au cours des jours ou des semaines de tenue, la Cour entend l'acte d'accusation, l'accusé, les témoins, les experts, fait procéder s'il y a lieu à de nouvelles mesures d'instruction avant les réquisitions du procureur et les plaidoiries des parties préjudiciées dites "parties civiles" et de la défense.

Ensuite, le travail de la Cour se fait en deux temps :

  • dans un premier temps, les 12 jurés et eux seuls, se retirent pour délibérer (réfléchir et décider) sur les questions posées relativement à la culpabilité de l'accusé et son étendue.Le verdict, non motivé, qui en découle est pris à la majorité d'un scrutin secret. Si la majorité est simple (7 sur 12), la culpabilité sera maintenue après délibération des 3 magistrats qui renforceront la majorité ou l'inverseront en quel cas, l'acquittement est prononcé pour le chef d'accusation visé.
  • dans un second temps, les jurés et les 3 magistrats délibèrent ensemble sur la peine à prononcer à la majorité absolue par vote à main levée, cette décision est motivée.

Le jury ne participe pas au règlement des questions de procédure ni au règlement des "intérêts civils" c'est-à-dire du dédommagement accordé aux victimes


Pour ou contre le jury populaire ?

Quelques pistes de réflexion peuvent être tracées.

Les arguments pour :
  • les jurés apportent au jugement des faits les plus graves la diversité et la richesse de leur expérience de vie, une approche qui n'est pas technique;
  • cette expérience est un moyen d'aborder la justice de manière sereine en dehors de tout conflit personnel;
  • la méthode du procès d'assises permet d'éduquer et de former le citoyen à la fonction de juger;
  • le serment prêté par les jurés et la solennité de la procédure permet la sérénité requise face à certaines affaires médiatisées.

Les arguments contre :
  • le jury qui est amené à se prononcer sur les faits les plus graves n'a pas de connaissance du droit nécessaire pour juger;
  • le jugement par un jury qui est censé représenter la société est un obstacle au droit fondamental d'un recours en appel;
  • cette représentativité n'est pas garantie, les dispenses et récusations écartent souvent une catégorie de personnes, les personnes actives notamment;
  • la décision du jury soit leur intime conviction ne peut être motivée;
  • le jury ne tranche pas sur base du dossier mais sur base de ce qui est dit en audience;
  • les jurés tirés de l'opinion publique façonnée par les médias, ne peuvent être sereins face à certaines affaires.

Le Ministère de la Communauté française a édité un recueil de texte sous le titre "Procès Dutroux : penser l'émotion". Il a été distribué gratuitement auprès de toutes les structures sociales de la communauté française (associations, crèches, écoles, services d'aide à la jeunesse, bibliothèque,…). Un site www.cfwb.be/maltraitance complète cet ouvrage par l'apport d'autres réflexions.


Me Muriel Duriaux








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