Bourses: l'alimentaire à nouveau dans le ton
Durant les années boursières difficiles, de 2000 à 2003, les investisseurs qui détenaient dans leur portefeuille des actions alimentaires pouvaient se féliciter de leur choix. En effet, comparées au marché global, ces actions parvinrent à résister à la tourmente sans perdre trop de plumes.
Cependant, ces dernières années, les actions alimentaires ont à nouveau déçu en raison des nombreux défis auxquels le secteur doit faire face. De par son évolution des bénéfices relativement prévisible, ses rendements de dividendes honnêtes et ses valorisations intéressantes dun point de vue historique, ce secteur est toutefois perçu comme défensif. Voilà pourquoi les actions alimentaires redeviennent attrayantes dans la phase conjoncturelle actuelle.
Défis
Les défis à court terme sont identifiables. Les producteurs alimentaires sont confrontés à une hausse des coûts des matières premières, du conditionnement et de la distribution, en grande partie liée à la flambée du prix du pétrole. Des facteurs contre lesquels ils peuvent difficilement lutter.
A long terme, cest surtout lévolution démographique qui savérera déterminante. La croissance démographique poursuit une tendance baissière au niveau mondial. Durant les 20 prochaines années, elle devrait osciller autour des 1% par an en moyenne, avant de saffaiblir encore davantage au-delà de ce cap. La croissance démographique doit donc venir des pays en voie de développement, puisquen Europe occidentale, par exemple, la population est carrément appelée à diminuer.
Les producteurs alimentaires se voient donc contraints de se réorienter géographiquement et de se concentrer sur les régions et pays démontrant les plus fortes croissances du revenu disponible. Une autre manière de conserver leur chiffre daffaires à niveau serait dopter pour une stratégie de reprise.
Jusquà lan passé, les reprises étaient plutôt limitées dans le secteur, mais elles se multiplièrent clairement au cours des derniers mois. Enfin, reste encore la tendance à l"alimentation saine" sur laquelle jouent les fabricants pour sortir des produits innovants. Le consommateur est désormais prêt à payer un peu plus pour un produit qui lui semble plus exclusif ou plus sain.
Les trois ténors
Cette dernière stratégie semble être la plus profitable. Laspect "santé" est très présent à lesprit du consommateur occidental. Tous les groupes alimentaires ont à nouveau fait du thème du "bien-être" leur cheval de bataille, tandis que la réorientation géographique vers les pays en voie de développement - bien quimportante à long terme a été quelque peu reléguée au second plan.
Qui dit "produit sain" pense automatiquement à Danone, le producteur de produits laitiers par excellence et le leader du marché de lanticholestérol. Ces deux notions sont dailleurs la principale cible des efforts marketing du groupe. Danone tente pour linstant dexporter le succès dActimel vers le continent nord-américain. Bien que lEurope soit un marché relativement mature, Danone parvient néanmoins à y accroître son chiffre daffaires et sa marge dexploitation. LAsie, avec la Chine comme deuxième marché principal pour Danone, constitue la cerise sur le gâteau. Dans la lignée des années précédentes, Danone mise sur une croissance organique du chiffre daffaires de 6 à 7% pour les années à venir. Ce chiffre pourrait encore augmenter. Combiné à une nouvelle amélioration de la marge dexploitation (13,7% actuellement), il pourrait déboucher sur une croissance moyenne annuelle du bénéfice denviron 14%. Danone est une qualité qui se vend relativement cher, mais laction est à conserver.
Côté performances, le géant alimentaire Nestlé nest pas en reste non plus. Au cours de la dernière décennie, le groupe a enregistré une croissance organique du chiffre daffaires de 5,3% en moyenne et une croissance du bénéfice p.a. de 10,3%. Ces résultats restent cependant inférieurs à ceux de Danone, qui est plus performante en Europe. Nestlé table sur une croissance organique du chiffre daffaires de 5 à 6% pour les prochaines années, et sur une nouvelle augmentation de la marge dexploitation actuellement 12,9 %). Pour atteindre ces objectifs, elle sest déjà séparée dune série dactivités moins rentables. Luniformisation des produits reste dailleurs de plus grand défi de Nestlé. Les eaux non plus ne sont plus la valeur sûre dautrefois. En Europe, Nestlé doit faire face à la forte concurrence des acteurs locaux, tandis quen Amérique, elle se heurte aux marques deau des géants du cola (Aquafina et Dasani).
Nous anticipons néanmoins une croissance du bénéfice denviron 11% par action pour les années à venir. Si lon déduit du cours la participation de 26,3 % de Nestlé dans LOréal (48 fr. s.), on obtient en outre un rapport cours-bénéfice de 13, seulement, pour 2007. Le rendement du dividende de 2,3 % est également correct. Nous relevons notre recommandation de "conserver" à "acheter".
Unilever est pour sa part depuis des années la brebis galeuse du secteur. Avec une croissance organique du chiffre daffaires de 2,4% et une augmentation du bénéfice par action denviron 6,4 %, Unilever ne peut rivaliser avec Danone et Nestlé. En Europe et en Amérique, le chiffre daffaires est au statu quo depuis déjà 5 ans. La seule lueur despoir est la forte présence du groupe sur les marchés en développement. Unilever est parvenue à maintenir son bénéfice à niveau grâce à de grandes restructurations et à des économies sur les coûts marketing. Linnovation produit resta donc limitée. Unilever changea son fusil dépaule lan passé. Lentreprise souhaite réinvestir dans des nouveaux produits et des campagnes marketing. Reste à savoir quel sera limpact de cette stratégie sur la marge bénéficiaire. Entretemps, la vague de restructuration se poursuit. La vente des activités de congélation devrait rapporter quelque 2 milliards deuros et offre ainsi la latitude nécessaire à laugmentation du dividende. Le dividende attrayant est pour linstant le seul atout que possède Unilever. La croissance du chiffre daffaires pour les prochaines années devrait se limiter à quelque 2,5% en moyenne, tandis que le bénéfice par action naugmenterait que de 6 à 7%. Le rapport cours/bénéfice relativement bas na donc rien détonnant. A conserver.
Les colas
Le secteur des "soft drinks" emprunte le même chemin que celui des produits alimentaires. Laspect santé, linnovation des produits et la diversification géographique y occupent une place tout aussi centrale. Le terme "soft drinks" évoque immédiatement les colas : Coca-Cola et Pepsico, 2 sociétés démontrant une croissance du chiffre daffaires très prévisible, un solide cash-flow et des dividendes en hausse. En Amérique, les colas classiques sont clairement sur la pente descendante, et même Diet Coke et Diet Pepsi battent de laile. Leau, les boissons énergisantes (Gatorade de Pepsi ; Powerade et Full Throttle de Coca-Cola), les thés et jus de fruits remportent en revanche un franc succès.
Les nouveaux produits et la croissance des ventes dans les marchés émergents doivent assurer le maintien de la tendance positive à long terme : une croissance annuelle du chiffre daffaires oscillant autour des 4% et une croissance du bénéfice de 8 à 10%. La politique légèrement plus généreuse en matière de dividende menée par Warrent Buffet (actionnaire de 8,4% dans Coca-Cola) fait pencher la balance en faveur de Coca-Cola. Coca-Cola offre un rendement du dividende de 3% et augmente chaque année son dividende denviron 10%. Cette action traversera en outre certainement sans trop dégratignures les périodes boursières moins favorables.
Un article de L'Investisseur (4 juillet 2007)