Nos enfants trop stressés!
Entre l’école, les activités parascolaires, les jeux avec les amis et les devoirs, les enfants vivent à un rythme trop soutenu pour leur âge. S’ajoutent à ce constat le stress et l’anxiété face à la peur de décevoir les parents ou les professeurs. Comme pour les adultes, il arrive que des enfants trop stressés fassent un "burn out" (ou épuisement professionnel). Le point avec la pédopsychiatre Gisèle George.
Gisèle Georges est l’auteur de Ces enfants malades du stress paru aux éditions Odile Jacob.
Vivat. Dr Georges, pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison et comment apparaît le stress chez un enfant?
Dr George. Le stress fait partie intégrante de la vie de l'enfant. Il est nécessaire lorsque l'on doit affronter une situation nouvelle ou délicate à laquelle on ne peut échapper. C'est grâce au stress qu'un enfant est au mieux de ses performances scolaires ou sociales. Il s'agit du bon stress. Mais si l'enfant est martelé par de nombreux facteurs de stress chronique et sur du long terme, le corps et l'esprit, soumis à un rendement maximal en permanence, finissent par s'épuiser. On arrive alors au stress qui désorganise.
Vivat. Comment définiriez-vous le phénomène du "drop out" ou "burn out" ? A quoi est-il dû ?
Dr George. Il s’agit d’enfants épuisés par le stress qui ne peuvent plus affronter ce stress permanent. Et ce bien qu'ils soient toujours performants dans leur scolarité. Ils préfèrent donc jeter l’éponge car ils n'ont plus la force physique et psychologique d'affronter l'école. On assiste alors au "burn out", à l’arrêt de l’école, à l’abandon de l’apprentissage, voire à la dépression. Sur le plan physique, ce sont des enfants qui dorment mal, mangent mal, se plaignent de douleurs multiples et sont très souvent malades. Ils sont épuisés.
Vivat. Que conseiller aux parents qui souhaitent aider leurs enfants à évacuer ce stress nocif?
Dr George. Tout d'abord qu'ils déstressent eux-mêmes! Il faut leur rappeler que dans leur travail, ils sont stressés… Et c’est ce stress qu’ils ramènent à la maison. Comme ils sont très inquiets pour l'avenir de leur enfant, ils leur mettent la pression au lieu de les stimuler correctement à travailler.
Vivat. Avec vos jeunes patients, vous avez mis en place la thérapie d’affirmation de soi. De quoi s’agit-il?
Dr George. Il ne s'agit pas d'une thérapie du stress. Il s'agit de groupe d'enfants qui manquent de confiance ou d'estime de soi. Ils sont anxieux de la performance, de la relation sociale, et souvent des deux en même temps car en classe on performe sous le regard des autres. Je leur réapprends par des jeux de rôles centrés sur leur vie quotidienne à affronter leur peur et à s’adapter.
Vivat. Comment faire la différence entre stress immédiat et syndrome général d'adaptation (SGA)?
Dr George. Le stress immédiat est un fonctionnement mental et corporel au maximum de son efficacité sur un minimum de temps. Le SGA est un meilleur fonctionnement sans être maximal mais qui va permettre de rester efficace sur du long terme. Pour vous donner une métaphore: en course de F1, il y a le samedi une course pour être en première place le lendemain. Les voitures sont réglées au maximum de leur performance mais ne peuvent le faire que sur deux ou trois tours de piste. Le lendemain, il y a 2 heures de courses; les mêmes voitures sont moins rapides mais vont tenir plus longtemps.
Vivat. Quels seront les impacts d’un tel niveau de stress sur sa vie d'adulte?
Dr George. Le stress est un mode d'adaptation normal. Il peut s'accompagner ou non d'une émotion telle que l'angoisse ou l'excitation (un voyage, un mariage). Il ne faut pas confondre stress et angoisse. Dans ce cas-ci, l'impact du stress chronique de l'enfance sur la vie d'adulte n'a pas encore été étudié. C’est un syndrome de notre siècle.