Jijé a son musée
C'est certainement un des grands noms de la bande dessinée belge. Joseph Gillain, mieux connu sous le pseudonyme transparent de Jijé a maintenant son musée à Bruxelles. Une belle reconnaissance pour cet Ardennais qui a influencé des maîtres comme Giraud.
Joseph Gillain est né en 1914 à Gedinne, un village des Ardennes namuroises. Très jeune, il s'intéresse à la bande dessinée en découvrant le fabuleux "Bicot président de club" dans la revue "Dimanche illustré". En 1927, il se met alors à suivre des cours chez le peintre et sculpteur dinantais Alex Daoust dans une salle communale de Florennes. L'année suivante, le petit Joseph est inscrit à l'École des Métiers d'art de Maredsous. Chez les Bénédictions, le jeune Gillain apprend les techniques de battage, de montage, de gravure et de patinage et suit des cours d'histoire de l'art et de dessin. Le futur Jijé découvre les premières histoires de Tintin dans "Le Petit Vingtième" en 1929. Après avoir suivi des cours du soir de dessin à l'Université du travail de Charleroi, il fréquente l'école de la Cambre à Bruxelles le jour et l'Académie des Beaux-Arts le soir.
Blondin et Cirage
Après un voyage de trois mois en Italie, Gillain travaille à des gravures sur bois avant d'être approché par l'hebdomadaire catholique "Le Croisé". En 1935 donc, il y illustre les couvertures avant qu'on ne lui demande de créer un héros à la Tintin. "Le Dévouement de Jojo" sera publié en 1936 sous la signature de Jijé, Tout en poursuivant les aventures de Jojo, Jijé continue la gravure sur bois et illustre les Cahiers Wallons fondés par son père. Il peint toujours mais les éditions Dupuis l'appellent pour illustrer au lavis le roman "Le Secret du bagnard" dans l'hebdomadaire "Le Moustique". La maison Dupuis édite également l'hebdo "Spirou" dans lequelsortiront en 1939 les aventures de Freddy Fred "Le Mystère de la clef hindoue". La même année, Gillain se lance avec une nouvelle série dans l'hebdomadaire "Les Petits Belges" des Prémontrés d'Averbode. Ce sera la naissance du couple "mixte" "Blondin et Cirage" qui s'en iront en Amérique.
Pendant la guerre, il est observateur d'artillerie mais continue à dessiner ses planches expédiées à ses éditeurs par la poste. Il publie ainsi "Trinet et Trinette dans l'Himalaya" et reprend les aventures de Spirou car son créateur, Rob-Vel, a été fait prisonnier par les Allemands. Jijé reprendra d'ailleurs encore cette série ultérieurement avant de la transmettre à André Franquin. Il poursuivra les aventures de Blondin et Cirage mais l'occupant allemand escamotera Cirage !
Entre Don Bosco et Jean Valhardi
C'est en 1941-1942 qu'il publia dans Spirou sa mémorable bibliographie (ou hagiographie) de Don Bosco, le fondateur de l'ordre des Salésiens. Dans un tout autre genre, il dessine la série "Jean Valhardi" avec un personnage d'enquêteur talentueux accompagné d'un faire-valoir, Jacquot.
Le caractère prolifique (boîtes de jeux, calendriers, cartes postales, publicités, couvertures de "Bonnes Soirées") de ses activités pendant la guerre lui valut une dénonciation à la Libération. Gillain fut cependant libéré après 2 mois de détention à la caserne Bisman de Dinant. D'où il dessina une 2e aventure de Valhardi.
Jijé sera amené à former Will ("Tif et Tondu"), Franquin, Morris. Ensemble ils formeront la "bande des quatre". Il poursuit néanmoins son travail d'illustration religieuse avec une biographie du Christ. Difficile alors de poursuivre ses séries et "Spirou" fut donc confié à Franquin, "Jean Valhardi" à Eddy Paape, "Blondin et Cirage" à Hubinon.
Jerry Spring
Inquiet des progrès du communisme en Europe, Gillain quitte le vieux continent pour les USA avec sa famille, Franquin et Morris. Ses pérégrinations le menèrent en Californie, au Mexique, dans l'Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas dans des paysages qui devaient influencer sa production future. La famille Gillain s'installa dans le Connecticut mais à l'expiration de leur permis de séjour, la famille dut réembarquer en 1950 pour l'Europe.
C'est lors de son périple américain que Jijé aura dessiné sa biographie de Baden Powell, le créateur du scoutisme, et sa nouvelle version de Don Bosco. Installé ensuite dans le sud de la France, Jijé reprend les aventures de Blondin et Cirage et peint.
C'est en 1953 que Jijé crée son Jerry Spring, un cow-boy qui devait devenir un modèle. Se succèdent "Golden Creek, le secret de la mine abandonnée", "Yucca Ranch", "Lune d'Argent", "Trafic d'Armes". Le continent américain continue à l'inspirer avec une histoire canadienne, "Blanc Casque", ouvrage très moral mais remarquable.
Il reprend la série Jean Valhardi ("Valhardi contre le Soleil Noir") et lui procure un comparse Gégène. Il collabore avec le scénariste Jean-Michel Charlier sur "Le gang du Diamant" et collaborera plus tard avec lui pour les aventures de Tanguy et Laverdure.
Jijé travaille ensuite sur ses deux séries : Jerry Spring ("Les trois barbus de Sonoyta", "Le "Fort Redstone", "Le Maître de la Sierra") et Jean Valhardi ("L'affaire Barnes", "Le Mauvais Œil", "Le Secret de Neptune"). Cela ne l'empêche pas de poursuivre la publication d'ouvrages "pieux" avec la vie de Bernadette Soubirous et celle de Charles de Foucauld; paraîtra dans Spirou de septembre 1959 à janvier 1960.
Le maître de Giraud
Pour "La Route de Coronado", Jijé accueille Giraud. Le futur créateur du lieutenant Blueberry mettra à l'encre cette aventure de Jerry Spring. Les aventures de Valhardi et Spring continueront à sortir régulièrement... même si Jijé mène toujours d'autres activités comme des projets de dessin animé avec Guy Bara ou les illustrations de l'ouvrage "J'élève mon Enfant" de Laurence Pernoud. De 1966 à 1971, il s'occupera plus particulièrement des aventures de Tanguy et Laverdure qu'il reprendra plus tard par intermittence.
Plus tard, au décès de Victor Hubinon, Jijé reprendra la série "Barbe Rouge" ("Raid sur la Corne d'Or", "L'île des Vaisseaux perdus"). En 1979, Jijé entamera "Les disparus du Faucon Noir", dont il dessinera les 8 premières planches, les dernières de sa carrière.
En 1977, il avait reçu le Grand Prix de la ville d'Angoulême. Il est avec Franquin, Morris et Schuiten un des rares Belges à avoir obtenu cette récompense.
Le Musée Jijé
Le Musée Jijé propose une exposition permanente de l'oeuvre de Jijé, des expositions temporaires consacrées à divers artistes de renom ainsi qu'une galerie d'hommages de dessinateurs à Jijé.
rue du Houblon, 43 - 1000 Bruxelles
Tél. 02.513.33.04
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Entrée payante (de 4 à 8 euros). Des visites sont organisées pour les groupes sur rendez-vous. Un espace est réservé aux enfants pour une découverte ludique.