Henri Loevenbruck, maître écrivain

L'auteur français Henri Loevenbruck a connu d'abord le succès dans le genre "fantasy" avant d'opter pour le thriller. Son "Testament des Siècles" avait même été préféré par certains lecteurs au controversé "Code da Vinci". Mais, aujourd'hui, Loevenbruck poursuit sa route avec, à la clé, thriller, roman historique, adaptation en BD, et des traductions qui se multiplient. Interview de Vivat.be sur un parcours original.


Loevenbruck "pèse" dans le petit monde du livre français avec des romans tirés à 40 000 exemplaires en grand format, et un peu plus en poche, et des ouvrages traduits dans d'autres langues européennes... ou asiatiques.

Métier, écrivain

Vivat.be. Quand et comment décide-t-on de vivre de sa plume?
Henri Loevenbruck. On ne décide pas forcément d’écrire. Souvent, l’écriture s’impose à vous. C’était d’ailleurs mon cas. Et on ne décide pas non plus d’en vivre. Ce sont les lecteurs qui, s’ils sont assez nombreux, vous le permettent.
 
Peut-on d'ailleurs en vivre (bien) en France?
Oui. Ce n’est pas aisé, nous ne sommes pas nombreux à pouvoir le faire, mais si vous avez la chance (et je dis bien la chance… ce n’est pas toujours affaire de talent) de rencontrer un peu de succès, d’être traduit, on peut en vivre très correctement. J’ai commencé à en vivre après la parution du 4e roman. Mais pendant les 4 premiers, je gagnais ma vie à côté, avec mon métier de journaliste.

Fantasy, thriller et histoire

Pourquoi abandonner la science-fiction pour le thriller ? La science-fiction est-il un genre en déliquescence?
Pas du tout, c’est un genre qui a encore de beaux jours devant lui. En réalité, je n’ai jamais fait de Science-Fiction au sens strict, mais de la Fantasy. Je suis amateur de SF, certes, mais je n’éprouve pas l’envie d’en écrire (je ne suis pas sûr d’en être capable). Quant à la Fantasy, après 6 romans, j’ai eu envie de changer un peu, car c’est un univers très codifié, j’avais peur de me répéter. Le thriller me laisse une plus grande liberté de ton. Et puis, tout ça, ce n’est qu’une histoire de phase... Je n’écrirai pas du thriller toute ma vie. Le prochain roman que j’écrirai, après la sortie des "Cathédrales du vide", d’ailleurs, sera un roman historique. En réalité, le dénominateur commun entre tous mes romans, c’est l’aventure, le mystère, et, je crois, un regard un peu décalé sur notre société.

Vivat.be. Face à la multiplication des thrillers dans les genres technologiques, historiques ou ésotériques ne risque-t-on pas la saturation?
Henri Loevenbruck. Ce qui compte pour moi, c’est d’écrire des histoires qui me plaisent, que je prends plaisir à écrire (ce n’est pas toujours évident), et que j’aurais aimé lire en tant que lecteur. Je ne me pose pas vraiment de questions sur le marché et son éventuelle saturation. Ce serait d’ailleurs le meilleur moyen de se planter. Quand on calcule trop, dans un domaine qui n’a rien de scientifique, on est obligé de tomber sur de mauvais résultats.

Avez-vous plusieurs ouvrages sur le feu ou les abordez-vous un par un?
Un par un, et c’est déjà bien assez! En revanche, quand je suis dans la rédaction d’un roman, je commence à penser au suivant. C’est le cas en ce moment. Je rédige "Les Cathédrales du vide", et je pense au suivant, mon roman historique.

Justement, n'est-il pas plus difficile de rédiger (réussir) une suite plutôt que de se lancer dans un ouvrage "rien à voir"?
Il y a des avantages et des inconvénients. Le gros avantage: les personnages prennent de la consistance, ils ont un passé littéraire, une histoire, pour moi comme pour les lecteurs. L’inconvénient: on doit rester cohérent par rapport à l’histoire précédente, ce qui parfois vous limite, et il y a le risque de se lasser. Je n’en suis pas encore là. Je crois que je vais pouvoir écrire encore 3 ou 4 aventures d’Ari Mackenzie (note; personnage principal du thriller "Le Rasoir d'Ockham") avant de me lasser de ce vieil ours.

Dans le domaine du thriller ésotérique, les auteurs ne contribuent-ils pas à apesantir l'atmosphère conspirationniste?
Peut-être. En ce qui me concerne, je crois, j’espère faire le contraire: mes romans, surtout "Le Rasoir d’Ockham" et "Les Cathédrales du vide", à la manière du "Pendule de Foucault" (à ma toute petite échelle, bien sûr…) ont plutôt tendance à dénoncer le conspirationnisme et l’ésotérisme de bazar des gens que Eco appelle "les diaboliques". C’est le principe même du "Rasoir d’Ockham". Pourquoi chercher des explications farfelues quand la vérité est parfois si simple?

Le nouveau maître du thriller français

Vivat.be. Que pensez-vous de cette habitude qui consiste à juger un auteur français à l'aune de ses homologues anglo-saxons? La comparaison est-elle flatteuse ou exaspérante?
Henri Loevenbruck. Elle n’a pas vraiment de sens. Je ne crois pas que la nationalité d’un auteur puisse en faire la valeur, ni en bien, ni en mal.

Comment porte-t-on l'étiquette de "nouveau maître du thriller français"? Comme une médaille, un aiguillon ou comme un poids?
Comme une blague. Je suis tout à fait conscient que nous sommes nombreux à être le "nouveau maître du thriller français"… Il y a mes amis Chattam, Thilliez, Descosse, Scalese, Giacometti et Ravenne, Bauwen, etc, etc. Nous sommes toute une génération, et, par bonheur, nous nous entendons très bien (vraiment). C’est, à mes yeux, tout ce qui compte. Cela dit, j’aime beaucoup quand Chattam et Thilliez m’appellent "maître". Et après, je les fouette.

Face aux lecteurs

Quelles sont les relations avec les lecteurs? Etes-vous un fana de votre forum sur le web?
J’entretiens beaucoup ces relations, parce que je ne suis pas un homme solitaire, et que je fais un métier qui l’est. Je me ressource beaucoup dans mes rapports avec les lecteurs, dans les salons, mais aussi en effet sur Internet, à travers mon forum ou Facebook. C’est important pour moi, car je sais que je leur dois beaucoup, et je veux leur témoigner ma gratitude en me rendant aussi disponible que possible. Et puis, il faut être honnête, j’aime m’amuser, et en général, on s’amuse bien en ces lieux.

Un écrivain (ou son éditeur) doit-il comme un producteur de cinéma envisager de rentabiliser le livre avec des déclinaisons film, BD, jeu,...?
Mes romans sont rentabilisés par leur publication en France et à l’étranger, donc ce n’est pas la question. C’est plutôt un plaisir, une volonté de voir vos univers prendre vie sous d’autres formes. Quand je reçois les dessins de l’adaptation BD du "Testament des siècles", par exemple, c’est un pur bonheur. Voir quelqu’un s’approprier vos personnages et leur donner vie, c’est jouissif. Et les lecteurs le réclament. Tous les jours, je reçois des mails de lecteurs qui me disent "A quand le film?" ou "Pourquoi y a pas la BD de tel roman?"… Mes lecteurs sont de vrais tyrans, que voulez-vous, je suis bien obligé de leur obéir.

Comment expliquer que des romans soient traduits en russe ou en coréen mais pas en anglais?
Mes romans sont présents dans presque tous les pays d’Europe - Espagne, Allemagne, etc - mais dans aucun pays anglo-saxon. La raison est simple: les anglo-saxons traduisent très peu d’auteurs étrangers, car ils ont déjà un très grand nombre d’auteurs de leur propre langue (entre la Grande-Bretagne, les US, l’Autralie, le Canada…). Et peut-être aussi par manque de curiosité. Heureusement, je suis marié à une Anglaise, alors je leur pardonne : je leur ai piqué leur plus jolie fille.

  • Le site officiel de Henri Loevenbruck:
    www.henriloevenbruck.com
    .
  • Le monde de Djar
    (forum d'Henri Loevenbruck).

Henri Loevenbruck participera le samedi 7 mars 2009 à 15h à la Foire du Livre de Bruxelles à un débat sur le thème "Entre Polar et Suspense" en compagnie de Harlan Coben, Eric Giacometti et Vivian Moore. Cet échange est ainsi présenté: Entre nouvelles maladies et nouvelles technologies, nouvelles guerres et nouvelles frontières, clonage et nouvelles images : le monde s’accélère sans cesse et offre de nouveaux rôles. Pour un autre suspense? Entre romans, séries télévisées et adaptations au cinéma: état des lieux du suspense.

Philippe Allard

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