Istanbul et ses 1001 facettes

16 millions de Stambouliotes animent les confins des continents asiatique et européen. Cireurs de chaussures, marchands de poisson, bazars emplis de touristes, concerts sur les toits, appels à la prière, fontaines aux ablutions, odeurs de narghilés et de thé à la pomme, marchés de quartier et chats de rue: mi-orientale mi-occidentale, Istanbul se tourne audacieusement vers l’avenir, parée de ses bijoux d’antan, grecs, romains et ottomans, et fière d’être la plus grande agglomération de Turquie.


Sultan Ahmet: révélation d’une histoire empreinte de religions

"Sultan Ahmet": le nom de l’arrêt de tram n’est qu’un détail parmi tant d’autres rappelant au quotidien la grandeur passée de l’Empire Ottoman. A quelques pas, d’imposants édifices religieux témoignent des anciennes convoitises autour de la ville.

Une certaine logique chronologique invite à découvrir dans un premier temps les charmes de Hagia Sophia (Aya Sofya Müzesi). La basilique fut érigée en moins de 5 ans ans par quelque 10 000 ouvriers au 6e siècle. La conception architecturale de la nef, soutenue par des demi-coupoles, est révolutionnaire. Mais ce sont surtout les mosaïques des galeries qui époustouflent plus d’un visiteur!

Malheureusement, ces chefs d'œuvres d’une minutie inouïe furent badigeonnés au nom du Coran qui interdit les images. En effet, la basilique Hagia Sophia, symbole de la puissance de l’Empire romain d’Orient, fut reconvertie en mosquée dès 1453 par le sultan-conquérant Mehmet II. Une manière d’affirmer la grandeur de l’Empire ottoman... et d’alléger la façade de l’ensemble, l’affublant de minarets élancés. Aujourd’hui, les imposantes calligraphies musulmanes cohabitent avec les mosaïques évoquant des scènes chrétiennes à l’intérieur d’un édifice devenu musée. En 1934, Atatürk a décidé de transformer la mosquée en musée afin de mettre fin aux symboles de domination entourant le lieu de culte.

Face à Hagia Sophia, la mosquée du Sultan Ahmet, plus connue sous le nom de "mosquée Bleue" (Sultanahmet camii): 6 minarets encadrent l’imposante silhouette construite au 17e siècle. Une grande coupole flanquée de 4 demi-coupoles, une cour de prière elle-aussi ornée d’arcades à coupoles et un intérieur lumineux aux murs décorés de céramiques d’Iznik (Nicée). Malgré le nom de "mosquée bleue", c'est le vert qui domine. L’appellation ferait référence à la couleur des façades extérieures, d’un gris-bleu changeant selon la lumière du jour. La mosquée bleue accueille des bus entiers de touristes et en perd quelque peu son cachet. On préférera d’autres mosquées ou "camii" pour s’imprégner de l’ambiance du lieu de culte.

Lieux de culte et rituels quotidiens

Istanbul compterait plus de 500 mosquées. Pas étonnant donc que les minarets dessinent la silhouette de la ville, que les appels à la prière des muezzins rythment la vie de la cité et qu’ici et là l’architecture révèle la présence de lieux de cultes comme par exemple de nombreuses fontaines aux ablutions dépourvues de leur fonction initiale.

Les mosquées font partie du quotidien des Stambouliotes. Les hommes s’y retrouvent plusieurs fois par jour pour la prière, les femmes aussi, dans un espace qui leur est réservé. Même les touristes sont de la partie, sponsorisant les mosquées pour en utiliser les toilettes, parfois "turques".

Une grande réussite architecturale - pour beaucoup de Turcs la plus belle des mosquées impériales d’Istanbul - est la mosquée Süleymaniye (Süleymaniye Camii), la mosquée construite par Soliman le Magnifique au 16e siècle.

Les édifices entourant la mosquée permettent d’appréhender le fonctionnement de l’ensemble. Ici une école coranique, des collèges de théologie; là un hôpital, un bain public (hammam), un hospice, des soupes populaires ainsi que des magasins. La conception harmonieuse de l’ensemble révèle la prise en compte de la dimension sociale dans les constructions religieuses de l’Empire Ottoman. Aujourd’hui, de nombreux petits commerces et salons de thé se sont installés dans les coupoles des bâtiments sans pour autant nuire à l’authenticité des lieux.

Autre élément digne d’un détour, le cimetière voisin de la mosquée où se trouvent entre autres les mausolées du sultan Soliman et de son épouse Roxelane. Les tombes fleuries de roses où les chats de rue aiment à se prélasser incitent à la rêverie.

Quitter l’Europe pour l’Asie

Istanbul - autrefois Byzance et Constantinople - est située à cheval sur l’Europe et l’Asie et s'étale sur les rives occidentales comme orientales du Bosphore, détroit reliant la Mer Noire à la Mer Marmara. La ville historique et le pôle économique principal de la plus grande agglomération du pays sont situés sur le continent européen.

Deux ponts sur le Bosphore de plus de 1500 mètres de long relient actuellement les continents européen et asiatique. Le 1er fut inauguré en 1973, le 2nd en 1988. De nombreux ferries permettent également de passer d’une rive à l’autre et de voir le luxe des rives du Bosphore, construites de multiples palais et villas.

Les eaux du Bosphore s’avèrent plutôt impétueuses, les zones de baignade sont clairement délimitées. Le courant est particulièrement fort à l’endroit où le Bosphore est le plus étroit, près du 2e pont. Seulement 660 mètres de large : l’emplacement idéal pour contrôler le passage entre Mer Marmara et Mer Noire. Ceci expliquant cela, on remarquera les restes de  la forteresse Rumeli Hisari érigée au 15e siècle sur ordre de Mehmet le Conquérant: de chaque côté du Bosphore, des tours rondes flanquées d’un mur de parfois plus de 7 mètres de large. De nos jours, les lieux servent régulièrement de coulisses à de remarquables spectacles sons et lumières.

Excursion dans le "quartier chinois"
de Kadiköy

Une destination appréciée des Stambouliotes est le "quartier chinois" de Kadiköy, comprenez le quartier situé sur le continent asiatique et non celui de la communauté chinoise d’Istanbul.

Les quais de Kadiköy accueillent de nombreux bateaux, le centre-ville en partie piéton à la cote. Restaurants et cafés de rue sont bien remplis, les boutiques bien visitées. L’atmosphère de bazar n’est pas loin, mais l’ambiance est plus détendue. Les habitants sont nombreux à venir respirer l’air frais de la mer les week-ends d’été.

Le passage en ferry d’une rive à l’autre à destination de Kadiköy permet d’admirer une des composantes de la silhouette d’Istanbul, la "tour de Léandre" ou "tour de la fille" (kiz Kulesi) selon les 2 légendes apparentées au lieu. Selon la 1re légende, Léandre, personnage de la mythologie grecque, y serait mort noyé alors qu'il traversait le détroit du Bosphore pour aller rejoindre comme chaque nuit sa maîtresse, la prêtresse Hero. Cette tragédie serait en fait située près d'Abydos, dans les Dardanelles. Selon la 2e histoire, une prophétesse aurait averti un roi que sa fille allait mourir d’une morsure de serpent. Pour permettre à sa fille d’échapper à son destin, le roi fit construire cette tour sur les eaux du Bosphore et l’y cacha. Un jour, une corbeille de fruits parvint à la jeune princesse, de la part de son prétendant. Dedans se cachait un serpent et la prédiction se réalisa...
Aujourd’hui, la tour abrite un restaurant, après été un phare, un poste de douane, un lieu de quarantaine et même une maison de retraite pour les officiers de la marine.

Un véritable théâtre de rues

Bâtie sur 7 collines et entourée par les eaux, Istanbul  offre certes des rues pentues aux piétons, mais également de superbes points de vue en récompense, avec des couchers de soleil aux couleurs de mangue.

Dans les grands boulevards, voitures et bus vrombissent. Tout le monde y va de son klaxon, notamment les chauffeurs de "taksi" signalant qu’ils sont libres. Dans les petites ruelles enchevêtrées, les enfants tapent dans la balle, des chats de rue mal pelés se dorent au soleil. Les rues sont vivantes, on ne fait pas qu’y passer, on s’y côtoie. Ici les distributeurs de thé, là les cireurs de chaussures ou les vendeurs de bombonnes d’eau (l’eau n’est pas potable en règle générale).

Les commerces sont organisés selon les règles de la synergie : allez à Karaköy pour acheter tout système d’éclairage, au grand bazar d’Aksaray pour un costume pour homme ou encore à Beyasit pour une valise ou un sac à dos. Et ne vous étonnez pas si d’une rue à l’autre, vous changez totalement d’ambiance. Un exemple des plus frappants est le quartier Bülbül: au nord de la très européenne rue commerciale Istiklâl Caddesi, juste un boulevard sépare cet îlot de pauvreté aux allures de ghetto des petites rues où étudiants, intellectuels et touristes aiment se prélasser en terrasse.

Taksim: sortir à l’européenne

Rendez-vous est donné sur la place de Taksim ou au pied de la tour Galata: un classique pour commencer une bonne soirée qui se terminera certainement tard dans la nuit dans l'un ou l'autre des établissements du quartier de Beyoğlu. Aujourd'hui, cafés, bars, restaurants et discothèques fleurissent les trottoirs de ce quartier devenu branché. Les mœurs y sont européennes et les nuits longues. Beaucoup d'établissements sont perchés en hauteur. On occupe les derniers étages, on aménage les toits en terrasses avec vue panoramique: tout est pour apprécier la musique d'Istanbul, aux inspirations d'Orient comme d'Occident. On ne peut que penser au documentaire de l'Allemand d'origine turque, Fatih Akin, "Crossing the Bridge – The Sound Of Istanbul" (2005).

Coup de cœur pour l'aqueduc

Les couchers de soleil sur Istanbul son magnifiques et les endroits pour les admirer ne manquent pas. Toutefois, l'aqueduc qui relie les quartiers de Fatih et de Vefa reste inégalable et ce bien que son accès au public soit officiellement interdit.

Erigée au 4e siècle, la construction à double étage qui approvisionnait en eau le palais impérial a subi plusieurs tremblements de terre, notamment dans les dernières années de l’Empire byzantin. Aujourd'hui, une longueur d'environ 800 mètres subsiste. Il est possible, non sans frayeur, de monter sur le toit de l'aqueduc et d'apprécier la vue magnifique à tout vent. Les plus téméraires s'inspireront des jeunes du quartier de Fatih...

Informations pratiques

Gastronomie

Restaurants turcs

  • Tarihi Subasi Lokantasi: Carsikapi Nuruosmaniye Caddesi, 46. Cuisine bonne et simple.
  • Doy-Doy: Sifa Hamami Sokak, 13. Superbe terrasse.

Restaurants grecs

  • Victoria Taverna: Olivio Pasaji 11, à côté de l’église Panaya de Galatasaray. Très bons "mezze".
  • Refik: Sofyali Sokak. Délicieuse taverne.

Restaurant arménien

  • Boncuk: Nevizdade Sokak, sur le marché aux poissons de Galatasaray. Très bonne "meyhane".

Autres suggestions

  • Prendre un verre depuis le cadre panoramique de Zeyrek Camii.
  • Faire une pause café à l'orientale dans la Medersa "Caferaga Medresei".
  • Dîner en terrasse dans l'une des tavernes de Kumkapi.
  • Goûter des "loukoums" sur le bazar égyptien.
  • Prendre un thé devant la mosquée Suleymaniye.
  • Acheter des moules à l’unité aux marchands de rue.
  • Faire ses emplettes sur le marché de Fatih, près de l’aqueduc et manger des spécialité de la région de Siirt comme les "Buryani".

Hébergement

  • Bahaus Guesthouse: Akbiyik Caddesi, Bayram Firin Sokak 11. Tél. 638-65-34. E-mail:
    bahausguesthouse@yahoo.com
    . Dans le vieil Istanbul, chambres de 25 à 40 euros avec salle de bains, bar en terrasse et vue sur la Marmara pour le petit déjeuner. Bon rapport qualité-prix.
  • Hôtel Troya: Mesrutiyet Caddesi 107. Tél. 251-82-06. Internet :
    www.hoteltroya.com
    . Dans le quartier moderne de la ville, accueil sympa et bon entretien malgré un hall d’entrée un peu défraîchi. Chambres de 40 à 60 euros.
  • Appartements à partir de 20 euros par personne sur le site:
    www.only-apartments.fr/appartements-istambul.html
  • Pléiade d’hôtels sur le site : www.istanbullife.org

Un livre, un film

  • "Istanbul", de Daniel Rondeau (ISBN : 9782841112234)
  • "Crossing the Bridge - The Sound Of Istanbul" (2005), de Fatih Akin. (www.crossingthebridge.de)

Charlotte Noblet
, texte et photos
 









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