La Paz, là-haut dans les montagnes

Bruyante, anarchique, polluée, bigarrée, magnifique, reposante et excitante à la fois, La Paz, la "capitale" bolivienne, ne laisse jamais indifférent. Enclavée dans une gorge andine entre 3.000 et 4.000 mètres d’altitude, la cité aux rues escarpées se prête volontiers aux longues balades permettant d’observer l’extrême diversité du centre névralgique de la Bolivie.


Une fausse capitale
au milieu des montagnes

Un matin d’août dans un van qui fait office de taxi. Plus de toute première jeunesse. A se demander d’ailleurs si l’engin va réussir le pari que nous lui avons fixé il y a quelques minutes: gravir les contreforts de la montagne pour se rendre à l’entrée d’El Alto, l’immense banlieue de La Paz. La boîte de vitesses craque. La pente s’accentue. Autour, les belles maisons coloniales et immeubles de bureaux de Sopocachi ont laissé place à de petites bicoques sans charme. Ni banque, ni bar, ni magasin, rien, à part une petite épicerie. Déserte. Le chauffeur donne un coup de frein. On tourne la tête de l’autre côté, vers le vide. C’est l’heure de profiter du spectacle.

Et quel spectacle! Sous les yeux ébahis, Nuestra-Senora-de-La-Paz dévoile son immensité. Au centre, le cœur de la capitale bolivienne avec quelques immeubles qui tentent de se frayer un chemin vers les nuages. Sauf que question hauteur, ils ne font pas le poids. Si le centre de La Paz s’est développé dans la gorge entre les montagnes (l’altitude varie selon les quartiers entre 3.000 et 4.000 mètres), les habitations ont poussé comme des champignons, recouvrant tous les contreforts environnants à perte de vue. Seules les neiges éternelles du Mont Illimani, culminant à 6.402 mètres, semblent désertes.

La Paz. Lors d’un séjour en Amérique du Sud, évoquez le nom de la ville aux voyageurs croisés sur la route et beaucoup vous expliqueront que c’est l’un de leurs coups de cœur en Bolivie:  "A l’origine, nous comptions n’y passer qu’une journée, partir dans le sud et continuer vers le Chili. Résultat, on a préféré revenir ici pour en profiter et découvrir". La Paz, c’est cela: une ville étourdissante. Qui ne peut laisser indifférente. Ne serait-ce que par son statut, véritable motif d’accrochage entre Boliviens: si ses habitants et la communauté internationale reconnaissent le droit à la ville fondée en 1548 par le capitaine Mendoza de s’arroger le titre de capitale, la réalité est un peu plus complexe. C’est la pimpante Sucre, à quelques centaines de kilomètres vers l’est dans une vallée, qui est censée être la vraie capitale. Question de Constitution.

 

Murillo, des pigeons et des hommes

Plaza Diego-Murillo, au cœur de la ville. Lendemain de référendum qui a confirmé le président de la République dans ses fonctions. Devant la fontaine centrale, le maître d’une cérémonie officielle tente de se faire entendre au milieu des taxis et des bus brinquebalants usant de leurs klaxons à tout-va.

Les forces de l’ordre veillent au grain. La population aussi, extrêmement politisée dans ce pays qui a élu son premier Indien au pouvoir en 2005, Evo Morales. D’ailleurs, le palais présidentiel est juste là. La sécurité est postée à l’entrée. L’un des gardes, cravate de Mickey autour du cou, dialogue par téléphone en jetant un coup d’œil vers la cathédrale, édifice imposant bâti en 1835.

En face, c’est la statue du Président Villaroel qui se dresse. Hommage à un homme d’Etat pendu en 1946 par ses propres gardes. Symbole de l’instabilité politique locale. En 183 années depuis l’indépendance, la Bolivie a connu près de 200 gouvernements (militaires ou démocratiques), plusieurs d’entre eux se finissant dans un bain de sang. Mais ce jour d’août, autour de la statue, pendant que les officiels terminent leurs discours, la vie s’écoule, tranquillement. Les gamins nourrissent la multitude de pigeons, n’hésitant pas à les saisir à pleines mains, les adultes devisent ou dégustent une glace. En costume-cravate, à "l’occidentale" ou pour certaines femmes, en habit traditionnel de chollitas, avec le manta sur le dos pour porter les denrées ou l’enfant et le fameux chapeau melon sur la tête. 

Calle Jaén, l’époque coloniale

A quelques encablures de la Plaza Murillo, après une poignée d’ascensions difficiles (l’altitude ralentit le rythme cardiaque et les touristes s’essoufflent très vite), on découvre l’une des plus jolies rues de la ville. Loin de l’agitation du centre, avec en toile de fond les contreforts des montagnes, la calle Jaén se caractérise par une architecture coloniale parfaitement conservée que l’on peut observer dans le calme, l’automobile n’ayant pas le droit de cité dans la minuscule artère.

C’est aussi l’une des rues où l’on peut profiter des musées, au nombre de 5: le Museo de Instrumentos Musicales (instruments de musique), le Museo de Metales Preciosos (argent, or et cuivre), le Museo del Litoral (concernant la guerre contre le Chili au XIXe siècle), la Casa de Murillo (l’un des chefs de la Révolution au XIXe siècle) et la Museo Costumbrista Juan-de-Vargas (art, photographies). Un petit florilège de culture bolivienne en quelques mètres, même si, avouons-le, les musées locaux n’ont rien d’exceptionnel.

Achats et folklore à Sagarnaga et Linarès

Pour celui qui veut ramener des souvenirs de son voyage à La Paz, les calles Sagarnaga et Linares, non loin de la Plaza Murillo, sont  la destination idéale. Bien entendu, il vaut mieux ne pas s’arrêter aux premières échoppes et prendre le temps de repérer quelques adresses pour trouver des produits de qualité. Entre les mantas, les instruments de musique et toute sorte de tissus et d’artisanat plus ou moins folkloriques, il y a de quoi faire de bonnes affaires. 

Le plus exotique est encore un peu plus haut. Au bout de la Calle Linarès commence en effet un marché bien curieux, le Mercado de Hechiceria, le Marché des Sorcières. Il consiste en fait en plusieurs échoppes, concentrées sur quelques dizaines de mètres, la plupart surmontées d’un alignement de fœtus de lamas. Enterrés au moment de la pose de la 1re pierre d’une maison, ils porteraient bonheur.

L’intérieur des magasins est moins surprenant: si on y trouve de nombreuses sortes d’herbes, chacune étant sensée posséder une caractéristique particulière, elles sont parfois mélangées avec les babioles attrape-touristes habituelles.  Des babioles que vous ne trouverez pas à quelques dizaines de mètres de là. Calle Isaac-Tamayo, le spectacle offert aux yeux du touriste égaré (on en croise très peu) est beaucoup plus authentique: les habitants de La Paz ont installé tout le long de la rue un immense marché à ciel ouvert où l’on peut acheter des vêtements, de la nourriture, de la plomberie, des instruments de musique et toutes sortes de contrefaçons, l’une des marques de fabrique de la capitale bolivienne. 

Un Prado multicolore

Un séjour à La Paz ne saurait se conclure sans une traversée du Prado, la plus grande artère de la ville, changeant plusieurs fois de nom au fil des quartiers. En partant de la Plaza San Francisco et de la basilique en pierre de taille du même nom (en style espagnol et métis), El Prado réussit le tour de force de vous inviter à la flânerie entre les bruits incessants de circulation et les traversées de carrefour souvent périlleuses. C’est l’une des meilleures artères pour se rendre compte de l’extrême diversité de cette ville, entre les immeubles modernes près de l’hyper-centre et les maisons coloniales quand on se rapproche de Sopocachi. C’est aussi une nouvelle occasion d’observer la vie des locaux, entre les hommes d’affaires marchant d’un pas décidé, les cireurs de chaussures qui leur courent après, les étudiants qui discutent devant l’Université et les amoureux, particulièrement expressifs sur les hauteurs boliviennes… Une vie de couple qui existe même dans la prison, à deux rues de là, Plaza San-Pedro. L’établissement, situé au cœur de la ville, est connu pour son fonctionnement en autogestion: les prisonniers peuvent vivre avec leur famille, une véritable micro société ayant été reproduite à l’intérieur de l’enceinte. Les plus riches occupent les grandes cellules, les moins fortunés se contentent des recoins et peuvent au besoin, même si l’administration pénitentiaire a fortement restreint les accès ces dernières années, faire visiter les lieux aux touristes, monnayant quelques bolivianos…  Nouvel exemple d’une ville décidemment très surprenante…

Informations pratiques

Y aller

Plusieurs compagnies (American Airlines, Continental Airlines, Air France) rallient Bruxelles ou Paris à La Paz avec des escales. Il est cependant déconseillé d’atterrir directement à La Paz du fait de l’altitude (le centre est à 3 600 mètres d’altitude). Pour monter progressivement, Santa Cruz, toujours en Bolivie constitue un bon point de départ.

Dangers et sécurité

L’altitude pouvant provoquer le mal des montagnes (el soroche), il est conseillé de monter par paliers avant d’arriver à La Paz. Une fois dans la ville, il faut adapter son rythme de marche à l’altitude.

La Bolivie n’est plus la destination la plus sûre d’Amérique latine. La plupart des voyageurs reviennent tout de même sans avoir ressenti de danger. Les règles de base s’imposent comme lors de n’importe quel voyage (ne pas se balader seul dans des quartiers excentrés ou la nuit, avec son appareil photo autour du cou ou des billets de banque à la main…). Attention aux faux taxis de plus en plus fréquents.

Y dormir, y manger

Les standards boliviens ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Il existe cependant de bons hôtels à La Paz. L’un d’entre eux, A la Maison, ensemble d’appart-hôtel, est particulièrement conseillé. Les chambres sont joliment décorées et propres. Il est possible d’y faire sa propre cuisine. De plus, le patron, Ludovic, un Français, et ses employés boliviens se feront un plaisir de vous donner des conseils pour profiter au mieux de votre séjour (à partir de 40 dollars, soit 28 euros,

www.appartement-lapaz.com
).

Au niveau culinaire, La Paz n’est pas impérissable. L’une des meilleures adresses de la ville pour un prix attractif est elle aussi tenue par un Français. La Comédie propose un mélange entre cuisine européenne et bolivienne de qualité.

Autour de La Paz

Si La Paz occupe quelques jours, il serait dommage de ne pas profiter des autres merveilles boliviennes à proximité. Les ruines de Tiwanaku, à quelques heures de route; le Lac Titicaca, plus haut lac navigable du monde; Potosi, l’ancien centre névralgique de l’empire espagnol avec ses mines d’argents; et Sucre, la "vraie" capitale, font partie de ces étapes. S’il ne devait pourtant n’en rester qu’une, choisissez le Salar de Uyuni et le Sud Lipez (à une dizaine d’heures de bus): le tour en Jeep de plusieurs jours dans le désert de sel et les lagunes multicolores est une expérience inoubliable.

Nicolas Montard

 

 









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