Helgoland: toujours dans l'air du temps?

Un peu plus de .400 habitants, une colonie de quelque 600 phoques, une bonne poignée de shops duty free et le calme d’une île sans voiture: l’archipel d’Helgoland, dans la Mer du Nord, fait partie du land allemand de Schleswig-Holstein et constitue le petit bout de terre d’Allemagne le plus au large des côtes du pays. Portrait d’une île en pleine redéfinition.


Au calme du grand large

Sur Helgoland, chaque saison vit avec son temps. En été, les ferries se succèdent dans le port. En hiver, seul le Funny Girl de la compagnie Cassen Eils assure tous les 2 jours le transport entre l’île et le continent. L’activité est loin d’être rentable en hiver, mais c’est ainsi depuis 50 ans. Notre chef a un petit faible pour Helgoland, raconte le capitaine Erwald Bebber en scrutant le brouillard. L’hiver, nous avons surtout des habitants et des artisans à bord, peu de touristes. Et s’il est possible d’échapper aux 2 heures et demie de bateau en prenant l’avion, de toute façon une fois sur l’île, la notion du temps est tout autre.

Pas de voiture. Très peu de vélos. Seuls de petits transporteurs électriques véhiculent silencieusement les bagages entre bateau et lieu d’hébergement. Ils assurent également le revitaillement des magasins ou la levée de la poste. Sinon, de petites carrioles accompagnent les piétons. Les Helgolandais aiment d’ailleurs disserter sur la meilleure des manières de les manoeuvrer, de les tirer ou de les pousser. Certains le font encore dans la langue locale, le Helgolandais - "Halunder" en allemand, dérivé du frise.

De haut en bas: vert, rouge et blanc

Il faut dire que, dans les rues, restaurants ou cafés, il n’est vraiment pas rare de se croiser et recroiser sur l’île principale dont la superficie n’excède pas le kilomètre carré. Et ceci que ce soit "en bas" dans les rues du port, "en haut" sur le plateau invitant à la promenade ou même dans l’ascenseur qui assure la liaison entre les 2 niveaux de l’île.

Très vite, les nouveaux arrivés prennent ainsi connaissance des habitudes locales comme celle de ne se serrer la main que si on quitte l’île. Et s’ils se montrent un peu curieux, les habitants leur conteront très vite l’histoire passionnante de l’archipel considéré comme une véritable entité, tel que le suggère le drapeau d’Helgoland aux trois bandes horizontales: vert en haut pour la terre, rouge au milieu pour la falaise et blanc en bas pour le sable.

Une histoire pleine de rebondissements

Avant d’être allemande, Helgoland a appartenu aux Anglais et encore avant aux Danois. L’histoire est compliquée mais Frank Botter, le maire de la commune, manie habilement les dates. Tout ou presque aurait ainsi commencé en réaction au blocus continental de Napoléon, lorsqu’en 807 les Anglais s’emparent d’Helgoland pour en faire un centre de rotation des marchandises. De cette époque date la vente de produits hors taxe sur l’île, une particularité que reprendra l’Allemagne en 890, lorsqu’elle échange Helgoland contre les royaumes d’Ouganda, de Vitu et de Zanzibar avec l’Angleterre. C’est ainsi que l’île est devenue allemande.

Alors qu’au XIXe siècle, Helgoland se profilait avant tout comme destination touristique bienaimée du beau monde, les 2 Guerres mondiales en firent un point militaire stratégique. Le régime nazi du IIIe Reich voulait en faire la base principale de la marine allemande, bien au large des côtes du pays. Un projet auquel mit fin le bombardement des Anglais, le 8 avril 947, avec 6700 tonnes de T.N.T. Ce fut le plus important dynamitage non-nucléaire de l’histoire. En 952 seulement, les habitants - évacués après le bombardement - furent autorisés à regagner leur île. Malgré les nombreux dons des Allemands pour redonner un visage à Helgoland, c’est seulement en 965 que les travaux de reconstruction furent achevés. Le village d’en haut avait à jamais disparu, laissant place à des cratères toujours visibles aujourd’hui. Quant au village d’en bas, seules les "Hummerbuden" dont les façades colorées égayent le port se veulent un brin authentiques.

De la journée duty free au séjour thalasso

Et pourtant, c’est dans les années 70 qu’Helgoland a connu un véritable boum touristique avec 0 à 2.000 visiteurs par jour. Le ferry était moins cher, les gens venaient à la journée, raconte Werner Fähland, commerçant duty free sur le port. Le duty free faisait bien vivre la commune, car nous avons des impôts locaux sur les produits vendus hors taxe. A raison de 6,8 centimes par cigarette vendue, 2,2 millions d’euros ont ainsi rejoint les caisses de la commune en 2008. Sur un budget municipal de 4 millions d’euros par an, 3,3 millions venaient encore du duty free en 2008. Toujours selon Werner Fähland, il devient toutefois difficile de vivre du duty free car les touristes se font de plus en plus rares. Si en été, on compte encore 4.000 touristes en moyenne par jour, ils ne sont plus que 400 en moyenne par jour de novembre à mars.

Nous devons adapter notre offre au besoin du touriste d’aujourd’hui, explique Detlev Rickmers, gérant d’un hotel 4 étoiles sur l’île. Avant, les gens voulaient vivre quelque chose pendant leurs vacances. Maintenant, ils préfèrent souvent se reposer, se détendre. Pour cela, Helgoland est le cadre idéal. Délaisser l’image des cigarettes et autres bouteilles d’alcool bon marché pour un tourisme bien-être et vert ? Detlev Rickmers joue la carte du pionnier: il a récemment investi plus de 2 millions d’euros dans l’aménagement d’un coin bien-être pour son hôtel, avec spa et sauna. Si vous considérez l’histoire dans le long terme, Helgoland a longtemps été la destination de populations aisées. A nous de savoir retrouver cette image touristique. 

Les merveilles de la nature

Eté comme hiver, sur l’île principale d’Helgoland comme sur la petite île aux dunes voisine, il est possible d’admirer le spectacle de la nature.

Le parcours le plus évident est celui qui permet de voir l’image carte postale d’Helgoland: la vue sur la pointe nord de l’île, sur la "lange Anna". Nombre de géologues, amateurs ou professionnels, prennent plaisir à analyser depuis le plateau les strates visibles des falaises. A recommander au soleil couchant pour voir les pierres rougir.

Les ornithologues viendront eux avec leurs téléobjectifs sur l’île où se trouve non seulement la 2e station ornithologique la plus vieille au monde, mais également plusieurs espèces d’oiseaux rares. En juin, la sortie du nid des jeunes guillemots est particulièrement appréciée.
Enfin, attraction peut-être la plus spectaculaire pour le grand public: les phoques qui se prélassent sur les plages de la petite île, l’île aux dunes que l’on peut gagner en une demi-heure grâce à un ferry. Nous avons une colonie de 600 phoques, explique fièrement Rolf Blädel.

Le "shérif d’Helgoland" à la retraite se réjouit de voir augmenter le nombre de ses protégés depuis la loi de 974 en interdisant la chasse. Des photographes du monde entier viennent à Helgoland pour voir nos phoques, relate fièrement fièrement Rolf Blädel. Ils viennent en général soit lors des naissances fin décembre début janvier, soit lorsque les mâles se battent pour les femelles, en moyenne 5 jours après. La rencontre est épatante : les carnassiers -  qui peuvent atteindre les 300 kilos pour un mâle - sont là, sous le vent, et les curieux peuvent les approcher en pleine nature à quelques mètres de distance seulement.

Un projet à la Dubai pour les années à venir?

Malgré les magasins duty free, les phoques et une histoire passionnante, Helgoland n’attire plus les foules et doit aujourd’hui revoir son concept touristique: Nous sommes confrontés à la hausse du prix du pétrole, l’aller-retour en bateau est plus cher qu’avant et nous avons aussi la concurrence des destinations ensoleillées desservies par les compagnies aériennes à bas coûts, explique le directeur de tourisme d’Helgoland, Klaus Furtmeier. C’est pourquoi nous devons diversifier notre offre, ne plus miser autant sur le tourisme duty free à la journée ou sur le tourisme en été. Il faut un équilibre avec plus de nuitées et plus d’activités possibles en hiver. Les premiers pas en ce sens ont été faits, avec notamment l’ouverture d’un maximum de commerces, restaurants et hôtels en basse saison. Les touristes doivent apprendre qu’Helgoland est ouvert en hiver, ajoute Klaus Furtmeier. L’île est ainsi en pleine réflexion sur le chemin à choisir pour pouvoir rester une commune vivante dans laquelle les habitants peuvent travailler et vivre de leur travail tout au long de l’année.

Une des issues possibles prend des proportions "à la Dubaï": un milliardaire de Hambourg - dont l’entreprise assure déjà la construction des digues et remblais autour de l’île – envisage de renflouer la mer afin de raccorder l’île principale à l’île aux dunes sur laquelle se trouve l’aérodrome d’Helgoland. Le projet aurait le mérite de faire doubler la surface de l’île et d’offrir un kilomètre carré supplémentaire pour le développement d’infrastructures à l’intention des touristes. Pour l’instant, il est question d’un nouveau village de plus de 860 habitations. Le projet paraît quelque peu pharaonique, lorsqu’on sait que l’île assure elle-même la production d’eau et d’électricité pour ses .400 habitants et que le ravitaillement en nourriture se fait essentiellement par bateau. Le Maire ne sait encore que penser de ce projet: d’un côté la possibilité d’une relance économique; de l’autre le risque de perdre ce qui fait l’authenticité d’Helgoland. Les habitants devraient avoir à se prononcer sur la question dans les mois à venir, une fois que le projet sera mieux balisé. Ce n’est pas la première fois que la taille est la forme de l’île sont sujettes à modifications. Il y eut même un temps où les 2 îles étaient réaccordées, avant 720.

Informations pratiques

  • Sur le port, les transporteurs "Gepäckdienst" assurent le transport des bagages jusqu’au lieu d’hébergement pour quelques euros.
  • Entre le bas (Unterland) et le haut (Oberland) de l’île, un ascenseur assure les navettes.
  • Entre l’île principale (Helgoland) et l’île aux dunes (Düne), un ferry assure les allers-retours.
  • A la mairie, un bureau de tourisme propose une brochure informative sur l’île ainsi que des parcours thématiques avec carte (culture, histoire, nature). Dans le même bâtiment se trouve le bureau aux objets trouvés de l’île.
  • Pour le duty free, les valeurs maximales autorisées sont:
    • 200 cigarettes ou 00 cigarillos ou 50 cigarres ou 250 grammes de tabac;
    • litre d’alcool fort (plus de 22% vol.) ou 2 litres d’alcool à moins de 22% vol. ou 4 litres de vin;
    • 500gr de café;
    • 50gr de parfum ou 0,25 litre d’eau de toilette;
    • bijouterie d’une valeur inférieure à 430 euros.
  • Site officiel d’Helgoland (allemand, anglais, danois):
    www.helgoland.de
  • Le site permet de réserver son hébergement et ses trajets en ligne.
  • D’autres sites helgolandais méritant un détour :
    • www.helgolandmarathon.de
    • www.museum-helgoland.de
    • www.nordseewoche.org
    • www.oag-helgoland.de

Charlotte Noblet
(texte et photos)









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