Travail: avantages et inconvénients de la loi anti-harcèlement

La loi relative à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail, communément appelée loi anti-harcèlement, prévoit une évaluation de cette dernière en juillet 2004. Ce prescrit a été réalisé, quels enseignements peut-on en retirer ?


Les services d’inspection du Service public fédéral Emploi ont enregistré un total de 1.616 plaintes. Et, ayant toutes été déclarées non fondées, aucun employeur et/ou harceleur n’a donc été condamné aux termes de cette réglementation.

Mais grâce à cette dernière, la problématique du harcèlement est devenue un sujet qui, dans la culture de l’entreprise, peut maintenant être matière à discussion. Et n’étant plus un sujet tabou, il est possible de s’investir dans la prévention, de sensibiliser les entreprises et de stimuler le développement de l’accueil “informel”. En outre, les victimes ont la possibilité d’être entendues pour faire cesser le comportement de harcèlement.

L’évaluation montre aussi des imprécisions dans la loi existante, qui pourraient être corrigées. Ainsi, note-t-elle, ne faudrait-il pas, par exemple, mieux décrire les concepts de “témoins” et “accord du comité” et préciser en quoi consiste le rôle de l’inspection, quand commence précisément la protection contre le licenciement, etc.

A propos de la protection contre le licenciement, selon certains, cette protection de la victime et des témoins, elle est d’une nécessité absolue. D’autres mettent l’accent sur la modulation de celle-ci selon le moment, la nature de la plainte, la durée de la protection, uniquement pour la victime et non pour les témoins. Pour d’autres encore, cette protection pousse la personne harcelée dans une procédure formelle “lourde” et fait obstacle à une solution rapide du problème. Sans parler de l’idée selon laquelle la protection contre le licenciement est absolue, alors qu’elle porte uniquement sur les faits liés au harcelement.

Personnes concernées

Pour rappel, c’est le 1er juillet 2002 que des dispositions spécifiques relatives à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail sont entrées en vigueur.

Valables pour l’ensemble du pays, celles-ci concernent tous les employeurs privés et publics, travailleurs et autres personnes (clients, fournisseurs, étudiants,...) se trouvant sur le lieu de travail. Elles établissent qu’ils doivent s’abstenir de tout acte de violence ou de harcèlement sexuel ou moral au travail - toutes formes de comportement verbal, non verbal ou corporel de nature sexuelle (regards insistants, qui déshabillent, remarques équivoques, attouchements, coups,...), dont celui qui s’en rend coupable, sait ou devrait savoir, qu’il affecte la dignité de femmes et d’hommes sur les lieux de travail,...

Protection contre le licenciement

Le rapport d’évaluation souligne que les représentants des employeurs au Conseil national du travail (CNT) remettent en question l’opportunité de la protection contre le licenciement. Dans ce cadre, l’Inspection fait remarquer que, malgré l’existence de cette mesure, des plaignants sont quand même licenciés ou mis sous pression dans le but de les amener à rompre le contrat eux-mêmes.

A l’heure actuelle, afin de permettre à la victime d’exposer sa situation sans crainte des représailles au niveau de sa situation professionnelle, il est prévu donc des protections.

La première. L’employeur ne peut mettre fin à la relation de travail ou modifier unilatéralement les conditions de travail. La modification unilatérale des conditions de travail est :

  • une notion propre au travailleur lié à son employeur par un contrat de travail qui sous-tend un accord de volonté des deux parties sur les clauses du contrat; 
  • une modification d’un élément essentiel du contrat par une seule des parties, sans l’accord de l’autre. Le caractère essentiel de l’élément dépend du cas d’espèce. Par exemple, lorsque la fonction est décrite avec précision dans le contrat, les parties sont supposées avoir attaché une grande importance à celle-ci. Il s’agit donc d’un élément essentiel. Par contre, lorsque l’engagement s’est effectué pour des fonctions non précisées - exemple : employé administratif -, l’employeur peut modifier les tâches confiées au travailleur pour autant qu’il continue à être occupé suivant ses qualifications, ses compétences et avec maintien de responsabilités équivalentes.

La seconde. L’employeur ne peut pas poser ces actes dans les 12 mois qui suivent le dépôt d’une plainte motivée ou la déposition d’un témoignage ou après l’intentement d’une action en justice et ce, jusqu’à trois mois après que le jugement soit coulé en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu’il ne peut plus faire l’objet d’appel ou d’opposition.

Troisième protection. S’il met quand même fin à la relation de travail ou s’il modifie unilatéralement - sans l’accord de la victime donc - les conditions de travail dans le délai visé ci-dessus, alors ses motifs de prise de décision doivent être étrangers à la plainte, à l’action en justice ou encore au témoignage. Attention, de telles raisons ne devront éventuellement être démontrées par l’employeur qu’a posteriori car la réglementation n’instaure pas de procédure préalable de vérification de celles-ci.

Mais à qui s’appliquent-elles ?

Aussi bien le plaignant que le témoin sont protégés contre le licenciement. Mais, spécifie le rapport d’évaluation, la protection des témoins est remise en question. Et d’ajouter qu’on peut cependant constater que de nombreux travailleurs hésitent à témoigner et même qu’ils préfèrent rester anonymes s’ils le font tout de même. Selon les représentants des employeurs au Conseil national du travail, l’anonymat du témoignage donne plus de garanties que la protection contre le licenciement.

Aujourd’hui, les protections s’adressent :

  • au travailleur qui a déposé une plainte motivée auprès de la personne de confiance - un membre du personnel ou quelqu’un d’extérieur à l’entreprise ou à l’institution -, du conseiller en prévention, de l’inspecteur social de l’Inspection médicale du travail ou de l’auditeur du travail; 
  • au travailleur pour lequel cet inspecteur est intervenu. Cela vise l’hypothèse où une plainte a été déposée à la police ou chez l’auditeur. Lorsqu’elle est déposée à la police, celle-ci doit la faire parvenir à l’auditeur du travail. Et saisi d’un dossier, l’auditeur du travail peut décider de classer le dossier sans suite ou de faire mener une enquête complémentaire ainsi qu’ordonner certains devoirs aux services d’inspection. Dès le moment où les services d’inspection interviennent, le délai de la protection démarre. D’après les représentants des employeurs au CNT, la protection ne peut prendre effet qu’à partir du moment où les conditions formelles pour introduire une plainte sont remplies; 
  • au travailleur qui intente une action en justice ou pour lequel une action en justice est intentée par un syndicat, par un syndicat militaire,...; 
  • au travailleur qui intervient comme témoin dans des litiges auxquels l’application du chapitre contenant des dispositions spécifiques concernant la violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail pourrait donner lieu. Sont visées aussi bien les personnes qui interviennent comme témoins dans le cadre de la procédure interne que les témoins de la procédure judiciaire, qu’ils témoignent en faveur du plaignant ou de la personne mise en cause.

Une limitation dans le temps ?

Non, la protection contre le licenciement n’est pas limitée dans le temps. Le fait est que l’obligation de l’employeur de fournir la preuve qu’il n’a pas licencié la personne concernée pour des motifs en rapport avec la plainte expire après un certain délai. Cette réglementation est analogue à celle reprise dans celle qui a trait à la lutte contre la discrimination.

Et toujours selon ces représentants des employeurs au CNT, cette mesure doit se terminer lorsqu’une plainte est retirée ou déclarée irrecevable ou non fondée.

Renseignements

Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale, direction régionale du Contrôle du bien-être au travail compétente pour l’employeur concerné.

Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale
Direction générale Humanisation du travail
Rue Belliard, 51 - 40 Bruxelles
Tél. 02.233.41.11.

Bases légales

  • Loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail (Moniteur belge du 22 juin 2002) 
  • Loi du 17 juin 2002 modifiant le Code judiciaire à l’occasion de la loi du 11 juin 2002 relatif à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail (1) (Moniteur belge du 25 juin 2002) 
  • Arrêté royal du 11 juillet 2002 relatif à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail (1) (Moniteur belge du 18 juillet 2002) 
  • Circulaire du 11 juillet 2002 relative à la protection des travailleurs contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail (Moniteur belge du 18 juillet 2002)

A lire aussi...

Paul Haut









© Vivat.be 2020