La vie de Jérôme Bosch

Hieronymus van Aken, plus communément appelé Jérôme Bosch, était un primitif flamand. On ignore sa date et son lieu de naissance mais on suppose qu’il serait né vers 1450 à Bois-le-Duc car sa famille y était établie depuis longtemps déjà. C’est d’ailleurs de cette ville que lui vient son pseudonyme. Bois-le-Duc se dit en flamand "‘s Hertogenbosch" et en abrégé "den Bosch".


Son grand-père, Jan van Aken, était peintre, il eut 5 enfants dont 4 fils qui devinrent tous peintres. Un de ses fils, Anthonius van Aken, se maria 2 fois et eut 2 filles et 3 fils dont Jérôme Bosch. Bosch a choisi de prendre un pseudonyme dans le but de se distinguer des autres membres de sa famille.

La première fois que Jérôme Bosch est mentionné comme peintre dans les archives de Bois-le-Duc est en 1480-1481, on sait qu’à ce moment-là, il est déjà marié à Aleyt Goyarts Van den Meervenne, la fille d’un bourgeois fortuné, de 20 ans son aînée. On ne sait s’ils eurent des enfants. Toujours d’après les archives, on sait que la situation financière du couple devait être confortable.

En 1486-1487, Bosch et sa femme deviennent membres de la confrérie Notre-Dame de Bois-le-Duc, association religieuse consacrée au culte de la Vierge et à des œuvres de charité. Etre membre de cette confrérie était une tradition familiale puisque que des membres de la famille van Aken y sont inscrits dès la fin du 14e siècle. Mystère : Bosch a-t-il été adepte d’une des sectes hérétiques qui existaient au 16e siècle en Hollande, en particulier les "frères et sœurs du Libre-Esprit" ? Ill semblait traduire leurs pensées et idéologies en connaisseur.

On ne sait rien de sa formation mais on suppose que c’est dans l’atelier de la famille qu’il apprit les ficelles du métier, avec son père ou un de ses oncles. Les archives de Bois-le-Duc laissent voir des "trous" de plusieurs années où la présence de Jérôme Bosch n’est pas signalée. Ces années lui ont peut-être servi à voyager comme d’autres le faisaient à l’époque. Il aurait peut-être été à Milan, à Venise,...

Bosch créa des œuvres pour deux des plus grandes familles de Bois-le-Duc, pour la confrérie, pour des associations citadines et pour des bourgs voisins. Sa renommée fut vite grande et des commandes furent passées bien au-delà de la communauté locale. En effet, Philippe le Beau, duc de Bourgogne s’adressa à lui pour réaliser un "Jugement Dernier"; Marguerite d’Autriche, sœur de Philippe le Beau et gouverneur des Pays-Bas possédait un "Saint Antoine" et le cardinal vénitien Grimani possédait lui 3 œuvres de Bosch. Avec une diffusion pareille de son vivant, l’idée qu’il aurait voyagé se confirmerait.

Bosch s’est beaucoup inspiré des textes et des iconographies du Nouveau et de l’Ancien Testament. En voyant ces œuvres, chacun pense que l’Eglise aurait pu s’apposer à ces tableaux. Il n’en est rien car ils représentent les écrits bibliques avec beaucoup de fidélité. Ces œuvres étaient orthodoxes par rapport à l’Eglise, même si on pouvait y voir un certain goût pour le symbolisme ou l’ésotérisme. Ses œuvres ont toujours un sens moralisateur.

Les personnages mis en scène appartiennent aux classes inférieures de la société, ils ont tous des vices. On distingue ainsi la classe de Bosch qui, comme les autres nobles de l’époque, accusait les pauvres de troubler l’ordre social. La bourgeoisie appréciait les tableaux de type flamand de Bosch alors que la haute aristocratie était plutôt friande de "diablerie fantastique".

L’Escamoteur

"L’Escamoteur" aurait été peint entre 1475 et 1480. C’est une œuvre qui se moque de la stupidité, de la naïveté du peuple. Elle se classe dans les tableaux à scènes moralisatrices. Sur ce tableau, une dizaine de personnes sont regroupées sur la partie gauche pour admirer les tours de passe-passe d’un prestidigitateur situé lui seul, à droite du tableau. Il tient une perle entre le pouce et l’index ; l’un des spectateurs la regarde attentivement, plié en deux. Si celui-ci était redressé, il dépasserait d’une tête les autres personnages. On peut voir une grenouille entre ses lèvres et une autre sur la table. La perspective de la table s’accorde assez mal avec le reste du tableau. Profitant de l’attention que porte le spectateur au charlatan, un moine qui se situe derrière le spectateur fait mine de regarder ailleurs pendant qu’il lui dérobe sa bourse bien remplie.

Le sens premier de ce tableau montre qu’il faut se méfier des charlatans, qu’il ne faut pas être trop crédule pour ne pas être la proie de personnes malhonnêtes. Ce sujet représente bien l’humour moralisateur de l’époque. Certains auteurs ont trouvé un tout autre sens à cette œuvre à savoir que le moine ferait allusion à l’Inquisition, la clef suspendue à la ceinture du spectateur ferait, elle, allusion à la clef de Saint Pierre et, par conséquent, à la papauté, deux institutions puissantes mais peu aimées à l’époque.

Le Jardin des Délices

"Le Jardin des délices" aurait été peint vers 1500. Ce triptyque raconte plusieurs scènes de la Bible.

Sur le panneau de droite, on peut voir le mariage du paradis : Adam s’est réveillé et découvre Eve. Dieu tient Eve par la main, la présente à Adam et les bénit. Voilà donc une vision du paradis avant le péché. Au milieu du panneau, à droite, l’arbre de la connaissance sur lequel se tient le serpent et vers lequel se dirigent plusieurs créatures aux formes étranges. Eve est positionnée bizarrement; en effet, elle ne saurait avoir un certain équilibre en étant mise ainsi et la perspective du tableau ne permet pas qu’elle puisse être à genoux sur la colline...

Le panneau central représente une foule des gens commettant des péchés en toute innocence. La luxure est mise en avant par les nus et les accouplements peu pudiques des personnages, la gourmandise est représentée par autant de fruits mangés sans hésitation, la paresse est montrée par des personnages assis ou couchés, rêvassant. Plusieurs éléments sont démesurés (fruits, animaux,…). Pour ces individus, tout semble normal, ils ne sont pas effrayés par quelques bêtes étranges ni par la grandeur de certaines choses. Ils vivent sans se soucier de quoi que ce soit. Tous ces femmes et hommes sont jeunes, très pales sauf quelques individus qui sont noirs, il n’y a aucune ségrégation entre les deux couleurs.

Le panneau de gauche contraste totalement avec les 2 autres. Il est beaucoup plus sombre et diabolique que les autres mais a l’air aussi mouvementé que le panneau central. Ce panneau représente l’enfer. Il semble que plusieurs enfers soient mis en commun, celui des luxurieux, celui des joueurs, celui des musiciens,… Comme dans d’autres tableaux de Bosch apparaissent des créatures imaginaires et diaboliques. Les pécheurs subissent certains sévices. Là aussi, plusieurs éléments sont démesurés (oreilles, couteaux, instruments de musique,…).

Au milieu du panneau, un homme regarde la scène avec une certaine ironie. Il pourrait s’agir d’un autoportrait de Bosch mais ceci est impossible à vérifier, ce n’est qu’une supposition, ce serait alors le seul autoportrait connu à ce jour. Avec ces 3 panneaux , l’Homme sait que s’il tombe dans le péché car il n’écoute pas la loi divine, il sera horriblement puni.

La tentation de saint Antoine

La "Tentation de saint Antoine" aurait été peinte en 1505-1506. Ce tableau représente des scènes de la “Légende dorée” de Jacques de Voraigne qui est un ouvrage qui contribua à fixer de nombreux épisodes de la vie de saint Antoine. A savoir qu’Antoine s’est retiré dans le désert pour vivre en ascète à 21 ans en 271, l’ouvrage établit l’iconographie liée aux tentations du saint.

Sur le panneau de gauche du "Triptyque des Tentations", on peut voir, au premier plan, saint Antoine, inconscient, ramené par ses compagnons après avoir subi des attaques de démons. Dans le ciel, le saint est en prière sur un animal volant tandis que des créatures tentent de le tourmenter, il reste indifférent à ces bêtes étranges. Sur le panneau droit, le saint est assis sur un banc, plongé dans sa lecture. Il réussit à ne pas se laisser tenter par la chair, représentée par une femme nue, ni par la nourriture posée sur la table.

Sur le panneau central, le saint se trouve au milieu, à genoux, sa canne posée contre un muret. Il lève la main droite (signe de bénédiction) et regarde le spectateur. Sur ce panneau, également des scènes de luxure, de séduction (des femmes offrant des coupes).

Les 3 panneaux sont parsemés de monstres : créatures mi-hommes mi-bêtes, diablotins, gnomes,... Le saint est donc soumis à des apparitions séduisantes ou terrifiantes qui cherchent à ébranler sa foi. Ces apparitions sont aussi peut-être en rapport avec les hallucinations dont sont victimes les sujets à la maladie de l’ergot de seigle. On invoquait souvent saint Antoine lorsqu’on était atteint d’ergotisme. Il était connu comme en étant le guérisseur.

Tout comme le prestidigitateur dans "L’Escamoteur", un des personnages du panneau central (à gauche de saint Antoine) possède un petit chien de cirque et une chouette. Cette présence aurait-elle une signification spécifique pour Bosch ?

Techniques picturales et couleurs

On ne connaît aucune oeuvre de Bosch peinte sur toile. Le support est toujours le bois. D’ailleurs toutes les oeuvres sous forme de triptyque devaient de toute façon être en bois. Bosch travaillait dans les règles du "métier" de son temps, le procédé employé n’était pas particulier. L’examen de ses oeuvres révèle que Bosch procédait de la manière suivante : couche de préparation aqueuse, ébauche linéaire monochrome au pinceau, éventuellement avec hachures, coupe picturale à l’huile siccative étalée d’une façon relativement mince.

Bosch utilisait donc de la peinture à l’huile. Cette technique avait été découverte à la fin du XVe siècle. à ce moment là, les peintres broyaient eux-mêmes les couleurs, pigments en poudre, avec de l’huile de lin ou d’oeillette, qui sont siccatives et restent transparentes en séchant, ils les employaient aussitôt. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le tube de peinture à l’huile est apparut (crée par Winsor et Newton) ; il permet une conservation de la peinture et offre la possibilité de peindre dehors. Avant l’arrivée de la peinture à l’huile, les peintres utilisaient de l’oeuf comme liant. On l’appelle la technique de la peinture à la tempera.

Les couleurs utilisées dans les tableaux de Bosch sont souvent en rapport avec le message qu’il aimerait faire passer. Par exemple, sur le triptyque "Le Jardin des délices", les couleurs pastels du panneau central et du panneau de gauche s’assombrissent tout à fait sur le panneaux de droite lorsque l’Enfer est représenté. Les tons verts des 2 premiers panneaux sont apaisants. La pureté des peaux humaines (très blanches ou très noires) de ces panneaux trouve des tons rougeâtres et gris sur le 3e. Toujours sur le panneau de droite, on constate l’assombrissement des couleurs par rapport à la perspective : plus l’on s’éloigne, plus le paysage est sombre et cauchemardesque.

Autre exemple : le triptyque "La tentation de saint Antoine". Ce tableaux représentant diverses créatures tentant de faire basculer saint Antoine dans le pêché présente une dominante rouge. Beaucoup de personnages ont des habits rouge vif et les terres et autres décors ont également des tons rouges. Ce rouge est agressif, il attaque le spectateur. Par contre, l’arrière-plan avec ses tons bleutés se veut plus calme et les villes dans les ocres plus paisibles. Quant aux couleurs rouges dominant dans "L’escamoteur", elles sont là pour appeler notre énervement à la vue de cette scène de vol. Les couleurs sont donc soigneusement choisies pour accentuer nos sentiments par rapport aux scènes peintes.

Inspirés par Bosch

Pieter Bruegel l’Ancien est né en 1526, 10 ans après la mort de Bosch donc. Il est connu pour être le fils spirituel de Bosch. Il avait tout comme Bosch la foi chrétienne et vocation à juger le comportement humain. Ils étaient tous deux moralistes à l’instar d’Erasme de Rotterdam. On raconte que la découverte des peintures de Bosch l’a incité à approfondir la recherche des sources iconographiques en s’orientant en particulier vers l’univers des traditions et des cultures populaires. Sur le tableau "La Chute des anges rebelles" de Bruegel l’Ancien (1562) apparaissent ds diablotins inspirés par Bosch. A la différence de Bosch, qui avait une production d’œuvre essentiellement destinée au culte privé ou communautaire, Bruegel l’Ancien n’aurait jamais reçu de commande de retable.

D’autres peintres se sont inspirés des œuvres de Bosch pour créer des compositions autonomes. Citons notamment Quentin Metsys (1466-1530) et Joachim Patinir (1485-1524),

D’autres peintres ont imité les œuvres de Bosch pour diverses raisons. Un tableau réalisé vers 1560 signé du nom de Bosch aurait été peint par un de ses anciens élèves qui aurait signé de ce nom soit par admiration soit pour vendre plus facilement son tableau !

Bosch et le surréalisme

L’univers fantasmagorique de Bosch est comparable aux résultats de l’automatisme proposé par André Breton dans le "Manifeste du surréalisme" écrit en 1924 et qui marque le début du surréalisme. Ce "Manifeste" explique que le peintre doit enregistrer toute image qui se présente à la conscience. Breton définit Bosch comme étant "le visionnaire intégral", il lui confère le rôle de modèle historique : il annonce les "peintres de l’inconscient" dans la poétique de l’imagination sans limites.

Bibliographie 

  • Roger Van Schoute & Monique Verboomen, Jérôme Bosch, La Renaissance du Livre, 2003 
  • Art-Poche, Bosch, Editions de La Martinière, 1999 
  • Jean-Claude Frère, Les primitifs flamands, Terrail, 1996 
  • Roger-Henri Marijnissen & Peter Ruyffelaere, L’ABCdaire de Jérôme Bosch, Flammarion, 2001

A voir

Avec l'exposition "D'Ensor à Bosch",  la vlaamsekunstcollectie (la collection d’art flamand), en partenariat entre le Musée Groeninge de Bruges, le Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers et le Musée des Beaux-Arts de Gand, illustre l’histoire des collections qui constituent un ensemble significatif des arts dans les Pays-Bas du sud du XVe au XXIe siècle. L’exposition souligne l’interaction entre le goût et l’art, la mode et la mentalité, l’art ancien et l’art moderne.

Cette exposition au Palais des Beaux-Arts (rue Ravenstein, 23 - 1000 Bruxelles) jusqu'au 11 septembre 2005 (du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi jusqu'à 21h, le lundi sur réservation).

Tarif : 9 euros. Réductions pour les + 60 ans, les étudiants,...

Tél. 02.507.82.00  - Site web : 

www.bozar.be

Claire Allard









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