De Cézanne à Dubuffet

La collection Planque présentée au Musée d’Ixelles est le fruit de la passion, de la curiosité, du regard enthousiaste et clairvoyant d’un homme sur la peinture moderne : Jean Planque (1910-1998). Amateur d’art, peintre lui-même, Jean Planque acquiert dans les années 1940, pour lui ou pour des amis, quelques tableaux de maîtres des 19e et 20e siècles. C’est le début d’une longue quête.


Sa place de conseiller auprès de la Galerie Beyeler de Bâle, de 1954 à1972, pour laquelle il est chargé d’acquérir des oeuvres intéressantes sur le marché parisien, lui permet d’établir des contacts privilégiés avec nombre d’artistes, de collectionneurs, de galeries. Au gré des rencontres et des opportunités, il contribue au succès croissant de la maison bâloise et enrichit sa collection personnelle qui constitue aujourd’hui un ensemble d’une rare exigence et d’une rare cohérence

Parti d’un amour qui ne fléchit jamais pour l’art de Cézanne, il rencontre successivement la peinture de Renoir, d’Auberjonois, de Bonnard, de Klee, de Léger, de Braque, puis celle de Dubuffet et Picasso. Et acquiert encore au cours des années des œuvres de Redon, Degas, Monet, Van Gogh, Gauguin, Rouault, Robert et Sonia Delaunay, Nicolas de Staël, Roger Bissière, Tapiès, Sam Francis, Clavé, Alex Kosta, Aloïse et de bien d’autres encore. Son extrême humilité, son regard infaillible, sa passion exclusive le font à la fois aimer et redouter

Le caractère spécifique de cette collection tient non seulement au fait qu’elle est composée de chefs-d’œuvre d’artistes parmi les plus importants de ce siècle, mais surtout qu’elle révèle une rare cohérence. Elle est due à l’exceptionnelle qualité du regard de Jean Planque, de son regard soucieux de comprendre ce qui constitue le secret d’un art qui se sera efforcé, pendant plusieurs décennies, de changer les habitudes de voir.

Jean Planque a souvent raconté combien l’avait ébranlé le fait de découvrir les "gribouillis enfantins" de Klee au musée de Bâle, combien la rencontre avec Picasso et les enseignements de Jean Dubuffet l’avaient peu à peu convaincu de "désapprendre" la peinture, de se défaire des idées reçues. Ses choix, qui sont ceux d’un artiste se mesurant constamment à ses maîtres, traduisent admirablement cette recherche d’un émerveillement hors des convenances, cette quête de spontanéité.

Un unique souci aura conduit son regard : aucune concession à l’imagerie, à la joliesse, à la vulgarité ; au contraire, poursuite exclusive de l’efficacité, de la profondeur, de la solidité du langage pictural.

Une Fondation

En 1972, lorsqu’il cesse son activité régulière pour la galerie Beyeler, la collection est pour l’essentiel constituée. Jean Planque entre dans une période d’évaluation et de mémoire. Il s’adonne à la peinture, poursuit de nombreuses correspondances, note ses réflexions, continue à visiter musées et galeries.

Mûrit en lui l’idée d’arracher sa collection à la spirale spéculative dans laquelle le monde de l’art lui paraît aspiré, avec un souci de plus en plus évident : les œuvres ne devaient jamais être dispersées. La Fondation Jean et Suzanne Planque (Lausanne) qu’il a appelée de ses vœux dès 1991, voit le jour en 1997.

Créée par Jean Planque et quelques-uns de ses proches, elle a pour but de sauvegarder les quelque 220 peintures et dessins, sculptures et plusieurs centaines de gravures réunis par le collectionneur, de leur assurer un lieu de dépôt en accord avec l’esprit qui a guidé celui-ci durant son existence, et d’en faire connaître la richesse et la spécificité, "afin, disait-il, que notre joie demeure".

L’exposition ixelloise

L’exposition présente quelque 160 oeuvres représentatives de ce vaste ensemble réunissant les noms les plus prestigieux de l’art moderne. Elle s’accompagne d’un catalogue édité pour l’occasion par la Fondation Jean et Suzanne Planque, sous la direction de Florian Rodari, conservateur de la Fondation ("De Cézanne à Dubuffet, Collection Jean Planque", éd. Hazan, Paris, 2001).

Cet important ouvrage, richement illustré, contient le descriptif des œuvres et des commentaires largement empruntés aux notes laissées par le collectionneur, témoignage inestimable sur la vie artistique à Paris dans les années 60. Il réunit également des essais de conservateurs et de spécialistes qui éclairent quelques-uns des principaux aspects de la collection ; plusieurs amis, enfin, évoquent la figure si attachante du collectionneur.

Informations pratiques

Musée d’Ixelles

rue Jean Van Volsem, 71 - 1050 Bruxelles
Tél (02.515.64.22 - fax 02.515.64.24
E-mail :
musee-ixelles@skynet.be
 
Jusqu’au 22 mai 2005 du mardi au vendredi, de 13 à 18h30 ; samedi et dimanche, de 10 à 17h00. Fermé le lundi et les jours fériés

Philippe Allard









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