Pier Paolo Pasolini

Ses films ont enchanté les ciné-clubs de notre jeunesse. En illustrant des contes tels que "Le Decameron" de Boccace, "Les Contes de Canterbury" de Chaucer ou "Les mille et une Nuits", Pasolini clamait son amour irrévérencieux de la liberté et nous imposait un cinéma truculent où se bousculaient trognes incomparables et situations cocasses. Cet homosexuel affirmé devait mourir tragiquement mais la sortie de 3 DVD nous le ramène.

Pasolini est né à Bologne en 1922. Il passa d'ailleurs son enfance dans le nord de l'Italie. Diplômé en philosophie et lettres, il effectua son service militaire durant une semaine avant la signature de l'armistice. Il fut cependant affecté par la mort de son frère tué par d'autres partisans.

Avant d'être cinéaste, Pasolini fut d'abord un peintre, un auteur et critique littéraire. Il créa ainsi en 1942 les revues littéraires "Eredi" ("Héritages") et "Il setaccio" ("Le tamis") et publia des essais ("Saggi") sur la mort. Ce poète s'intéressa également fortement au dialecte frioulan, celui de cette mère qu'il aimait tant. Il écrira aussi des poèmes qui sortiront sous le titre de "L'usignolo della Chiesa cattolica" ("Le rossignol de l'Eglise catholique"); Pasolini a voulu exprimer la relation entre sa foi catholique, son idéal communiste et la poésie.

Inscrit au Parti communiste italien en 1947, Pasolini s'en fit exclure en 1949, après avoir été mis en examen car soupçonné de détournement de mineur. Sans emploi, il gagne Rome avec sa mère et travaille comme enseignant, correcteur d'épreuves et journaliste

À Rome, ses romans comme "Ragazzi di vita" ("Les ragazzi" en 1955) et "Una vita violenta" ("Une vie violente" en 1959) s'imprègnent du langage de la rue. Il aura une nouvelle fois maille avec la justice mais cette fois à cause du prétendu contenu pornographique de ses romans. Il sera toutefois acquitté.

Critique culturel en radio, auteur d'une anthologie de la poésie dialectale italienne du 20e siècle ("Poesia dialettale del Novecento"), auteur d'un recueil de chants populaires italiens ("Canzoniere italiano"), critique littéraire, poète avec "Le ceneri di Gramsci" ("Les cendres de Gramsci"), Pier Paolo Pasolini n'approcha le cinéma qu'en 1953 et par le biais de l'écriture de scénarios ou dialogues dont ceux de "Le notti di Cabiria" ("Les nuits de Cabiria") de Federico Fellini.

C'est en 1961, à la Biennale de Venise que fut présenté son premier film, "Accattone". Il expliqua son passage au cinéma par son "besoin d'une technique nouvelle pour dire une chose nouvelle". Son "Mamma Roma" avec Anna Magnani également présenté à Venise fut aussi dénoncé pour pornographie. C'est d'outrage à la religion d'Etat qu'il fut question après les présentations du film à épisodes "RoGoPaG".

En 1964 Pasolini présente, toujours à la Biennale de Venezia "Il Vangelo secondo Matteo" ("L'Evangile selon Saint Matthieu"), un film finalement tourné dans le sud de son Italie. Cette activité ne l'empêche pas de réaliser des documentaires, de diriger une revue, d'écrire des articles ou des oeuvres dramatiques pour le théâtre.

Après avoir tourné en 1966 "La terra vista dalla luna" ("La terre vue de la lune"), un épisode du film "Le streghe" ("Les sorcières"), Pasolini réalise "Edipo re" ("Oedipe Roi"), Mais survient les évènements de 1968 et Pasolini réussit à se brouiller avec la gauche en déclarant que les agents de police sont les vrais prolétaires alors que les étudiants sont les fils de la bourgeoisie et donc les instruments du pouvoir.

Après divers écrits, un épisode de film, un documentaire, il réalise son chef d'oeuvre "Teorema" ("Théorème") dénoncé pour obscénité puis "Porcile" ("Porcherie") et "Medea" ("Médée") avec Maria Callas. C'est en 1970 qu'il tourne "Decameron", un film comme d'habitude dénoncé comme obscène. L'éclectique Pasolini réalise un documentaire sur une ville yéménite, publie un recueil de poèmes avant de tourner, en 1971, "I racconti di Canterbury" d'après "The Canterbury Tales" de Geoffrey Chaucer. Il renoue ensuite avec l'écriture à travers des essais sur la langue et le cinéma, des textes sur la vie politique italienne.

Après "Il fiore delle Mille e una notte" ("Les mille et une Nuits"), il tourne ce qui devait devenir son dernier film : "Salò o le centoventi giornate di Sodoma" ("Salo ou les 120 jours de Sodome"), un film souvent interdit.

C'est en 1975 alors qu'il écrivait un roman que Pier Paolo Pasolini fut assassiné par un jeune homme de 17 ans: Pino Pelosi. Les circonstances de cette tragédie présentent cependant quelques zones sombres. Pasolini a pour dernière demeure Casarsa qui lui était si chère.

Quelques films

Le "Décameron" écrit par Boccace (Giovanni Boccaccio) entre 1348 et 1358, contient une centaine d'histoires que se racontent en 10 jours des seigneurs de Florence tenus à l'écart de la ville par une d'épidémie de peste. Pasolini retiendra 10 récits qu'il va lier entre eux à travers quelques personnages, notamment celui du peintre Giotto auquel il prête ses traits.

"Les contes de Canterburry" sont basés sur l'œuvre homonyme de Geoffroy Chaucer. Dans l'Angleterre moyenâgeuse, l'écrivain Chaucer, joué par Pasolini, assiste au récit d'une série d'histoires drôles et érotiques racontées, dans une auberge, par des pèlerins venus en foule à la cathédrale de Canterbury. Il se réjouit de ce qu'il voit et entend, prend des notes et laisse aller son imagination.

Film résolument antifasciste, "Salo ou les 120 jours de Sodome" +est une adaptation d'une oeuvre du marquis de Sade mais placée dans le décor d'un château italien au temps de la république mussolinienne de Salo.

Philippe Allard
    







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