Quid de la "bière" made in Germany

Au XIVe siècle, plusieurs villes allemandes réglementaient déjà la production de la bière en définissant précisément les ingrédients autorisés. Confrontée à la disette, Nuremberg interdisait ainsi en 1393 l'utilisation de toute céréale autre que l'orge. Tandis que beaucoup de communes refusaient encore l'utilisation du houblon, c'est la municipalité de Munich qui décida en 13 que la bière devait résulter de l'utilisation d'orge, de houblon et d'eau.


Cette devise fut généralisée à toute la Bavière le 23 avril 1516 sous le nom de la "bayerisches Reinheitsgebot", la célèbre loi de pureté de la bière bavaroise. Cette loi règlementait non seulement les composants de production de la bière mais également son prix, le tout dans un souci de bon approvisionnement en vivres de la population.

Peu après la proclamation de l'Empire allemand en 1871, la Reinheitsgebot bavaroise de 1516 fut intégrée à la loi fiscale de 1906 réglementant la bière en Allemagne, "das deutsche Biersteuergesetz".

Dans le texte de 1906, il est pour la première fois question des levures dans le processus de production de la bière. Les 4 composants traditionnels de la bière sont ainsi évoqués: malt, houblon, eau et levure.

Quand l'Europe redéfinit la "bière"

En ne soumettant ni les brasseurs amateurs ni les bières allemandes destinées à l'export à sa stricte réglementation, le texte sur la loi de pureté de 1906 comprenait en essence les éléments qui furent quelques décennies plus tard sujets à maintes discussions.

Les bières tchèques alors importées en Allemagne devaient par exemple se plier à la loi de pureté allemande, obligeant les maîtres brasseurs tchèques à brasser 2 sortes de bières. Par contre, les bières allemandes exportées étaient, elles, libres de toute réglementation. Deux poids, deux mesures. Une situation inconfortable avec le développement de la circulation des marchandises au sein de la Communauté puis de l'Union Européenne.

Résultat, en 1987, la Cour de Justice des Communautés Européennes considère la restriction de l'appellation "bière" aux produits conformes à la loi de pureté allemande comme une entorse à la libre circulation des marchandises en vigueur sur le marché intérieur européen. Les uns parlaient de protectionnisme déguisé sur le marché allemand. Les autres revendiquaient la protection du consommateur, la loi de pureté garantissant une certaine qualité de la bière. La loi fiscale relative à la bière fut finalement modifiée en 1996 afin d'être conforme au droit communautaire.

Une pureté marketing?

En Allemagne, nombres de maîtres brasseurs continuent de se plier à la Reinheitsgebot. La fédération des maîtres brasseurs allemands (Deutscher Brauerbund) revendique la loi de pureté à la fois comme un gage de qualité et comme "la plus vieille loi de protection du consommateur". Plusieurs maîtres brasseurs, notamment aux Etats-Unis, recourent également à l'étiquette "Reinheitsgebot" pour soigner une image de qualité.

La Reinheitsgebot tend ainsi à devenir un instrument marketing, une sorte d'étiquette d'authenticité servie aux consommateurs. Pourtant, le texte de 1996 est bien plus laxiste que les précédents et autorise le recours à nombres de composants pour changer le goût, la conservation ou encore la couleur de la bière ou la stabilité de sa mousse.

Recette de la bière du jour

Les ingrédients autorisés pour la préparation des bières de fermentation basse sont le malt issu de l'orge, le houblon, la levure et l'eau. La préparation de bières à fermentation haute est astreinte à la même réglementation. Toutefois, l'utilisation d'un autre malt que celui issu de l'orge comme l'utilisation de sucre de canne, de betterave, de sucre inverti et de glucose, ainsi que l'utilisation de colorants dérivés des sucres désignés est autorisée par la loi fiscale relative à la bière et modifiée en 1996.

La bière en Allemagne, boisson du peuple?

Bien que la consommation de bières diminue ces dernières années en Allemagne, les maîtres brasseurs restent confiants. En Bavière par exemple, la production de bières a certes diminué de 300.000 hectolitres (soit 1,3%) entre 2007 et 2008, mais la part de l'export a augmenté, notamment à destination de l'Italie, pourtant pays producteur de vin par excellence.

La bière reste de loin la boisson nationale (du moins en Bavière) avec une consommation moyenne par personne de 162 litres par an, de 215 litres si on exclut les moins de 16 ans.

Le seul souci des maîtres brasseurs serait la concurrence des bières étrangères bon marché qui, à grand recours de publicité, arrivent doucement à modifier le palais des buveurs les plus assidus en proposant maintes mélanges avec des boissons plus sucrées. Toutefois, les maîtres brasseurs allemands n'en démordent pas et entendent bien conserver leur art de brasser dans sur un marché mondialisé. Longue vie aux bières « made in Germany »!

Informations pratiques

Quelques mots de vocabulaire:

  • „Weissbier“ - Bière Blanche
  • “Dunkles Bier“ - Bière brune
  • “Helles Bier“ - Bière blonde
  • “Bier vom Fass“ - Bière pression

Listes quasi exhaustives des bières allemandes:

  • www.bier.de
  • germannews.com/bier/frame_bier_adressen_e.htm

Le festival de bières allemand le plus bien connu est sans aucun doute l'Oktoberfest à Munich:

www.oktoberfest.de
(allemand, anglais)

Le 23 avril, les Allemands aiment commémorer le Reinheitsgebot de 1516.

Le Reinheitsgebot de 1516: texte original

Comment la bière doit être servie et brassée sur notre territoire en été et en hiver.

Nous légiférons et décrétons, avec le conseil de notre Etat, que partout dans la principauté de Bavière, dans les campagnes comme dans les villes et sur les marchés qui n'ont pas de lois qui leur soient propres, de la saint Michel [29 septembre] à la saint Georges [23 avril], qu'un Maß [1,069 l] ou une Kopf [récipient en forme de boule, d'une contenance presque équivalente au Maß] de bière ne doit être servi pour plus d'un pfennig de monnaie frappée à Munich, et de la saint Georges à la saint Michel, qu'un Maß de bière ne doit être servi pour plus de deux pfennigs de la même monnaie, une Kopf pour plus de trois Heller [1/2 Pfennig], sous peine des punitions indiquées ci-dessus. Celui qui possède ou brasse une bière autre que la bière de mars ne doit en aucun cas la servir ou la vendre pour plus d'un pfennig le Maß.

Nous voulons tout particulièrement, que partout dans nos villes, sur nos marchés et dans nos campagnes, aucun autre ingrédient que l'orge, le houblon et l'eau soit utilisés et requis dans le brassage de la bière. Celui qui devrait passer outre et violer consciemment cette règle verra, tant que cela se reproduira, son fût de bière confisqué sans indulgence par l'instance de justice.

Toutefois, seul un hôtelier qui achète à une brasserie dans nos villes, sur nos marchés, dans nos campagnes, deux ou trois Eimer [60 Maß] de bière et les sert à la roture se voit accorder le droit de resservir cette bière un Heller plus cher que le prix indiqué ci-dessus. De même, le droit doit nous être réservé, à nous Princes, dans le cas d'un manque et d'une augmentation du prix des céréales causant de graves difficultés (du fait que les saisons, mais aussi l'arrivée à maturité du grain varient dans notre pays), de pouvoir ordonner des restrictions pour le bien-être général. 

Ingoldstadt, 1516, Guillaume IV de Bavière.
Traduction de Thierry Hommel d'après le texte original.

Charlotte Noblet
(textes & photos)
 









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