Les curieuses vendanges 2003 en Bourgogne

La Bourgogne, région viticole française assez septentrionale, accusait régulièrement un (relatif) déficit d'ensoleillement. Comme pratiquement toutes les régions d'Europe, elle a dû faire face aux conditions caniculaires de ce fol été 2003 ! En direct des vignobles prestigieux de Meursault et de Nuits St Georges, de talentueux vignerons nous font part de leurs espoirs et de leurs craintes face à ce millésime atypique...


Le gel avant la canicule

Au début du mois d'avril 2003, la Belgique essuyait une vague de froid intense, avec plusieurs nuits de suite à -8°C!
La Bourgogne n'y a pas échappé non plus! Les premiers bourgeons ont donc généralement eu du mal à s'en sortir intacts, ce qui se traduit généralement par l'apparition d'une 2e génération, responsable d'une sensible diminution de rendement... Mais ce phénomène est loin d'être exceptionnel sous ces latitudes. Donc, pas de panique...

Cherche vendangeurs, et vite!

Il n'empêche : les vendanges 2003 furent parmi les plus précoces de l'histoire : en Côte de Beaune, la plupart des bons vignerons ont vendangé entre le 25 et le 30 août! Soit au moins 2 à 3 semaines avant la moyenne habituelle! Ce qui ne s'est pas organisé sans mal. Les domaines ayant un peu de mal à réquisitionner le nombre de vendangeurs voulu! Heureusement, les étudiants étaient encore en vacances et ont pu, dans certains cas, pallier à l'absence des équipes habituelles comme celles des gens du voyage, encore retenus ailleurs...

Chauds, les raisins, chauds!

Ce qui fut certainement exceptionnel, c'est le caractère particulièrement chaud et sec de l'été 2003. En Cote d'Or, berceau des grands crus bourguignons, la température au mois d'août atteignait 40°C sous abri, mais au niveau des raisins, il faisait jusque 56°C! C'est évidemment énorme, surtout des jours durant! La face des raisins exposée au soleil a été brûlée et a commencé à littéralement sécher! Une perte de récolte de 25% a suivi cet état caniculaire...

Patrice Rion, vigneron à Prémeaux, possédant des vignes sur Chambolle-Musigny, Nuits St Georges ou Vosnes-Romanée, ajoute qu'en plus, comme il a continué à faire sec, les raisins n'étaient pas très gros lors de la vendange et manquaient généralement de jus. Il estime les rendements entre 20 et 30 hl/ha, même pour les Appellations Bourgogne générique!

Identique son de cloche chez Jean-Marc Roulot, l'un des vignerons les plus talentueux du village de Meursault. Il estime ses rendements entre 15 et 25 hl/ha pour ses Chardonnays à la base de ces magnifiques grands vins blancs secs. Car, dit-il, en plus du gel et de la sécheresse, Meursault a eu droit à 2 passages de grêle!!!

Beaucoup d'alcool, peu d'acidité !

Les teneurs en alcool s'annoncent très hautes. Patrice Rion annonce 13.5 à 14%. C'est presque comme à Chateauneuf du Pape!

La couleur des rouges, en cours de vinification, semble extraordinaire avec une perception de fruit très intense... mais très nette! Patrice avait investi dans un système de tri très performant mais cela n'a pas servi à améliorer la qualité sanitaire de la vendange, car il n'y avait pas de pourriture grise. Par contre, cela s'est avéré très efficace pour éliminer les grains secs, parfois responsables de mauvais goûts, et les morceaux de rafles. Il se dit donc content du travail réalisé.

Les analyses des jus ont démontré une acidité particulièrement basse pour la région: entre 2.5 et 3.9 grs/l. Ce manque d'acidité se traduit généralement par une garde limitée des vins. Pour les rouges, les vins jeunes devraient être friands, bien que chaleureux et corsés. De son coté, Jean-Marc Roulot penche pour une évolution rapide de ses blancs, qui devraient sûrement être très opulents.

Quelle influence sur les prix?

Avec ce qui précède, on peut prédire à coup sur, que cette année 2003 sera totalement atypique et ne devrait pas permettre l'élaboration d'un grand millésime. C'est l'équilibre entre acidité, alcool et matière qui sera difficile à gérer. Comme toujours, les viticulteurs les plus consciencieux s'en tireront mieux que les autres! Reste que les rendements terriblement bas en inciteront peut-être plus d'un à élever les tarifs, surtout sur les grands terroirs où, traditionnellement, même en année normale, il n'y a déjà pas assez de vins pour tout le monde chez les propriétaires "médiatisés"!

Didier Ergot









© Vivat.be 2020