Chaque chose à sa place

Nos grands-mères disaient: "une place pour chaque chose et chaque chose à sa place". Notre éducation, notre révolte d’adolescent, notre parcours de vie a fait évoluer cette petite phrase si lourde de bon sens. Les uns se sont révoltés et sont devenus désordonnés, les autres ont intégré le concept comme on apprend sa table de multiplication et peuvent être devenus maniaques du rangement et de la propreté. Le désordre physique reflète-t-il un désordre mental? Petite approche non scientifique.


Le collectionneur,
de la passion à l’obsession

Le collectionneur a une passion (les bagues de cigare, les couteaux, les éditions originales de Proust…). Sa vie est une quête joyeuse et sans fin, un projet qui ne peut aboutir, et s’il aboutit, le collectionneur se trouvera une nouvelle passion. Il hante les brocantes à la recherche de l’objet, il en fait son hobby du week-end et il s’évade du train-train quotidien en se consacrant à sa passion. Tout est recherche de plaisir dans ce comportement.

Mais le collectionneur peut devenir obsédé par sa quête: il entame plusieurs collections, commence à ramasser tout et n’importe quoi et entasse chez lui de plus en plus d’objets hétéroclites. On parle alors de trouble obsessionnel compulsif (ou TOC).

Ces TOC, nous les avons tous de manière plus ou moins développée. Qui ne conserve pas les vieux lacets de chaussure, les vêtements devenus trop petits depuis 10 ans ou les sachets de plastique pouvant servir à nouveau? De là à conserver tout ce qui entre dans la maison, il y a un subtil équilibre à ne pas perdre.

L’obsession, c’est amasser toujours plus, garder tout ce qui "pourrait servir", c’est aussi la "peur de manquer" qu’ont connu les personnes ayant souffert de la guerre ou d’extrême pauvreté. La compulsion, c’est de se rendre compte de la situation mais de ne pouvoir s’empêcher de poursuivre dans cette voie. Ces personnes cachent généralement leur trouble en évitant de laisser entrer chez elles des invités. Elles sont gênées et s’isolent toujours davantage. On parle de comportement d’épargne chronique ou de syllogomanie.

La syllogomanie

La personne qui souffre de syllogomanie entasse souvent des choses hétéroclites et inutiles, qui ne pourraient donc même pas servir à nouveau. Il existe 2 types de "maniaques" : ceux qui ont une systématique et ceux qui n’en ont pas. Il y a donc des personnes qui entassent mais classent, rangent, et retrouvent tout ce qui entre dans leur milieu de vie. Pour les autres, l’entassement devient tel qu’il devient difficile ou impossible de circuler dans la pièce, puis les pièces, puis la maison.

Les chercheurs ne parviennent pas à poser de diagnostic adapté à ce phénomène. L’entassement fait souvent partie d’un syndrome clinique résultant soit d’une faiblesse de décision, de perfectionnisme, d’hésitation et de tergiversation ou d’un comportement d’évitement.

La nature des objets amassés peut être très variable. Elle a souvent une relation directe avec la personnalité et l’histoire de la personne concernée. Mais surtout, il y a une différence entre les sexes. Ainsi les femmes ont plutôt tendance à accumuler des vêtements et textiles, des chaussures, des cosmétiques, des journaux ou des revues. Les hommes, eux, collectionnent des appareils techniques et leurs composants, du matériel de construction et d’emballage.

Le syndrome de Diogène

En l’absence de réaction thérapeutique à ces différents petits ou gros troubles, les personnes ayant atteint un certain degré de désordre sont exposées à un syndrome plus pénible encore: le syndrome de Diogène.

L’appartement, la maison, le lieu de vie devient à tel point encombré qu’il devient impossible d’y circuler. Il existe des cas de personnes dormant sur une chaise tant le lit était encombré. Ce lieu devient également impossible à nettoyer. 

L’entassement prend ici une forme plus critique, car il s’agit d’entassement de déchets qui ne sont plus jamais évacués. L’incurie guette. Les parasites envahissent l’appartement, les mauvaises odeurs aussi. Les faits divers des dernières années nous ont fait découvrir l’existence d’une vieille dame qui entassait les canettes de boisson, une autre qui recueillait tous les animaux du quartier et laissait les cadavres sans les jeter, un jeune homme entouré de sacs poubelle remplis de déchets…

Les personnes âgées sont les plus exposées à ce syndrome. Il s’agit de l’intensification, due à l’âge, d’un style de vie déjà existant, l’ordre et la propreté revêtant dès le départ une faible priorité. N’étant plus socialement actives, elles en arrivent à se négliger elles-mêmes, ne se lavent plus, perdent leurs repères sociaux et sont totalement isolées. Personne ne pénètre jamais chez elles. C’est souvent à cause des mauvaises odeurs que les voisins découvrent la vérité.

Alors, on range?

Sans tomber dans l’excès inverse qui serait celui de nettoyer et ranger sans arrêt et qui est une autre forme de TOC, il peut être utile de regarder son lieu de vie avec l’œil d’un visiteur. Si vous entriez chez vous en regardant tout comme si c’était la 1re fois, n’y a-t-il pas des objets, des vêtements, des tiroirs encombrés qui mériteraient un petit "nettoyage de printemps"? Cela vous arrive-t-il d’enjamber une caisse, une valise par terre et de vous apercevoir qu’il traîne là depuis plusieurs semaines? Interrogez-vous: cet objet a-t-il une place? Autrement dit: a-t-il déjà été rangé un jour à un endroit qui lui a été attribué? Si non, il est peut être temps de faire le vide autour de vous. Rien de plus délassant que d’entrer dans un lieu zen, dépouillé, apaisant…

Julia Limbourg









© Vivat.be 2020